
mais que la même chose a lieu aussi chez les oiseaux ; la plupart de
ces derniers, il est vrai, font des nids, mais plusieurs cependant, tels
que le duc-moyen (strix otus L .) ; l'effrayé, (strixJlammea L .) , et une
espèce de chouette , ( strix ulula) ; l’huîtrier, ( hoematopus ostralegus
L in .), la petite alouette de mer de Buffon, ne construisent pas.
Il est probable que le climat exerce une influence particulière sur
l ’organe de l ’instinct de bâtir comme sur ceux de plusieurs autres
qualités ou facultés. On prétend que le castor qui habitoit la Gaule
ne bâtissoit pas. Les castors lapons et russes se bornent, à ce qu’on
dit, à creuser deux terriers, l’un au-dessus de l’autre, au-dessous du
niveau de l’eau, et à établir entre eux une galerie. L’on prétend que
dans certaines contrées le coucou construit un nid, et couve lui-même
ses petits. Mais on demande avec raison si, dans ces cas, l ’on s’est
assuré de l’identité de l’espèce, ou si c’est réellement le résultat de
l’influence du climat ? Est-il vrai que les abeilles qui furent transportées
à la Barbade et dans les autres îles du Levant, cessèrent de faire
du miel après la première année, parce qu’elles trouvèrent qu’il ne
leur étoit point nécessaire P
Histoire naturelle du sens des arts et de Varchitecture
chez l'homme.
Ce que l ’homme connoit le moins, c’est loi-même ; d’abord, parce
qu’il attribue toutes les qualités et toutes les facultés des animaux à ce
prétendu instinct par lequel on veut tout expliquer; en second lieu,
parce qu’il s’isole absolument de tout le reste du règne animal, et se
prive ainsi de tous les points de comparaison. L’homme confectionne
des vêtemens pour s’en couvrir : par quelle impulsion? par celle du
besoin ; pour se garantir de l’inclémence de l’air et des piqûres des insectes;
il élève une cabane , une maison, des palais, des temples, parce
qu’il trouve plus commode d’être abrité, que de vivre en plein a ir, et
qu’il veut satisfaire son orgueil ou rendre hommage à un Etre qu’il
croit au-dessus de lui; il construit des machines, parce que ses mains
sont insuffisantes pour exécuter ce qu’il entreprend; toutes les productions
de notre industrie sont dues à notre intelligence et à nos besoins.
« L’homme ne paroît avoir rien qui ressemble à de l’instinct; aucune
industrie existante n’est produite par des images innées; toutes ses con-
noissances sont le résultat de ses sensations ou de celles de ses devanciers,
transmises par la parole, fécondées par la méditation, appliquées
à ses besoins et à ses jouissances; elles lui ont donné tous les arts' ».
Tel est le langage qu ont tenu jusqu’ici tous les auteurs, si j’en
excepte quelques observateurs philosophes, relativement à toutes les
actions humaines. Si je n’ambitionnois que l’approbation de mes contemporains
, je devrais bien rester fidèle à cette routine.
J’ai déjà prouvé, en général, dans la I««. section du II«. vol., combien
est fausse cette manière d’envisager l’homme , et chacune des
qualités ou des facultés fondamentales dont j’ai traité jusqu’ici m’en a
fourni de nouvelles preuves. Les réflexions suivantes convaincront le
lecteur qu aussi 1 esprit des arts et des inventions mécaniques a été
donné à l’homme par une organisation particulière.
Si les impressions antérieurement reçues, nos besoins, la réflexion,
la raison , etoient les sources de nos arts , leurs progrès devraient être
en proportion directe avec le nombre des impressions reçues, l’urgence
de nos besoins, et avec le degré d’activité .de nos facultés intellectuelles.
Mais que 1 on considère les arts chez des individus ou
chez des nations entières, Ion trouvera que ces circonstances peuvent
bien déterminer la nature, la direction de nos arts et de nos inventions,
en favoriser les progrès, mais nullement en faire naître le talent.
Que 1 on observe les enfans , même ceu\ d’une même famille, ceux
rassemblés dans la même école qui sont environnés des mêmes objets, et
voyent les mêmes exemples : tandis que les uns se livrent à leurs divers
penchans,les autres sont constamment occupés à dessiner avec du charbon,
de la craie, du crayon, différens objets sur les murs, sur le parquet,
sur les tables, sur du papier, à découper ou à façonner en cire diffé-
1 Le règne animal| par M. le chevalier Cuvier, T. I, p. pi.