
p h y s i o l o g i e
Tous nos sens sont en rapport avec certains objets extérieurs : à
quoi serviroit la bouche, le sens du goût, de louie, de 1 odorat, de
de la vu e , si dans le monde extérieur il n’existoit point des corps
tactiles, des molécules, des émanations, des vibrations et de la
lumière, propres à faire naître les saveurs, les odeurs, les tons et la
vision ? L ’histoire naturelle des cinq sens seroit donc incomplète, si l’on
faisoit abstraction des objets extérieurs et de l’action réciproque des
sur les autres.
De même tous les penchans et toutes les facultés de l’homme et
des animaux sont calculés sur des objets extérieurs avec lesquels la
nature a établi un rapport immédiat. Le mâle et la femelle sont les
objets de l ’instinct de la propagation ; les petits et les enfans satisfont
l’amour de la progéniture ; l’instinct de la propre défense combat
les ennemis de sa conservation ; l’instinct carnassier rencontre partout
des animaux pour en faire des victimes; l’impérieux trouve des
individus et des nations à subjuguer; les organes des localités, de la
peinture, de la musique, des calculs, de la mécanique s’exercent sur
les lois et les rapports de l’espace, des couleurs, des tons, etc.
Ainsi tous ces penchans, toutes ces facultés et leurs organes seroient
sans but, si les objets extérieurs, sur lesquels ils opèrent, n’avoient
point d’existence. La nature se seroit jouée de l’homme et des animaux,
si, en leur donnant des instincts, des penchans et des facultés, elle
leur avoit refusé les objets extérieurs pour les satisfaire. Leur état
seroit, au premier moment de leur existence , un état de privation,
de violence et de contradiction ; le second moment seroit celui de
leur mort. Il est donc certain que la nature n’a créé aucun sens, aucun
organe sans lui avoir préparé d’avance, dans le monde extérieur,
l’objet de sa fonction.
Or, il est constant que dans tous les temps et partout sur la terre,
l ’organisation de l’homme l’a conduit à la connoissance d’un être suprême
; il est constant que, partout et dans tous les temps, 1 homme
sent sa dépendance d’une première puissance ; que toujours et partout,
il éprouve le besoin d’avoir recours à un Dieu, et de lui rendre
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DU CERVEAU. a 7 I
hommage....Qui oseroitpenser que ce seul sentiment, ce seul organe
fût privé de son objet dans le monde extérieur ? Non, la nature ne’
peut pas à ce point abuser l’homme dans son intérêt le plus important!
Il est un Dieu, parce qu’il existe un organe pour le connoître et pour
l’adorer. 1 1
XXVII. Fermete, constancey persévérance, opiniâtreté.
Le caractère de l’homme dépend bien plus de ses sentimens que
de ses facultés. L’homme foible et indécis, et l’homme d’un caractère
ferme, ne peuvent savoir, ni le premier, pourquoi il flotte d’un
projet à un autre, ni le second, pourquoi il persiste inébranlablement
dans le parti qu’il a pris. Cicéron, cet orateur philosophe, toujours
incertain et manquant de fermeté, ne savoit ni prendre promptement
un parti, ni demeurer fidèle à celui qu’il avoit pris. De même
qu'il se laissoit enivrer par les succès, il se laissoit abattre par lés
revers, et il passoit rapidement de l ’excès de la confiance à l’excès
du découragement.
Caton d’Utique, au contraire, annonça, dès son bas âge, cette roi-
deur inflexible de caractère qu’il fit paroître dans tout le cours de sa
vie. Pompedius demanda, en badinant, au jeune Caton, sa recom-
’ Si certains philosophes vouloient bien méditer tout ce que je viens de dire
sur le sentiment inné de l’existence d’unÊtre suprême et sur le penchant naturel^ un
culte religieux,ils verroient la nécessité de modifier singulièrementleursraisonnemens
captieux qu’ils étayent de notions historiques non moins hasardées en faveur de
l’athéisme. Dans leur manière de voir ne trouveroient-ils pas aussi moyen d’expliquer
l’origine des penchans à la propagation et au meurtre, de l’amour de la
progéniture, des sentimens de la propriété et de la fierté, des talens de la mu-
sique, des calculs, de 1 architecture, de la poesie, en général de tous les penchans et
de toutes les facultés ? Voilà des illusions inévitables, toutes les fois que, pour
expliquer les phénomènes des êtres vivans , on ne tient aucun compte de leur orga-
nisation} de leurs forces iute'rieurcs.
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