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que comprimé , ou qu’il n’a fait que prendre temporairement un autre
pli. Si vous voyez un peuple saisi aujourd’hui du fanatisme religieux,
demain en proie à la passion des conquêtes, et après demain exalté
par le désir de la liberté; enfin , dans tous les temps, varier d’un moment
à l’autre dans ses jugemens et dans ses désirs; si le même peuple,
qui autrefois fut le berceau des arts et des sciences, croupit aujourd’hui
dans la paresse et la sensualité , gardez-vous de dire que son
organisation et son caractère aient été changés. Il parolt qu’il est dans
le plan de la nature que tantôt tel organe, tantôt tel autre exerce,
chez les mêmes nations, un pouvoir suprême.
De la physiognomonie ou du talent de connoîtreVintérieur
de l’homme par son extérieur.
On entend par l ’expression physiognomonie, l’art de connoître le
caractère moral et intellectuel de l ’homme par la seule conformation
extérieure non-seulement du visage, mais de toutes les autres
parties du corps, sans que ces parties soient en action.
Non-seulement le vulgaire, mais même plusieurs savans, donnent
encore à cet art la préférence sur la physiologie du cerveau. D’autres
s’imaginentquemesrecherchessur les fonctionsdes parties cérébrales individuelles
et sur les inductions à tirer de telle forme de la tête , sont de
même nature que celles des physionomistes.Cependantil n’y a absolument
pas de rapport entre les unesetles autres.Lesphysionomistes, Lavater,
par exemple, ne sont nullement guidés par des connoissances d’anatomie
et de physiologie; les lois de l’organisation du système nerveux
en général et du cerveau en particulier leur sont inconnues ; ils ne
se doutent pas de la composition différente du cerveau des diverses espèces
d’animaux ; ils ne tiennent aucun compte des differens résultats du
développement différent des parties cérébrales. Ils ignorent l’influence
que le cerveau exerce sur la forme de la tête ; ils n’ont aucune idée des
changemens que l ’encéphale et le crâne subissent dans les differens âges
de la vie, dans les différentes maladies, dans la manie, etc. Ils sont encore
imbus des préjugés reçus relativement aux causes des différentes qualités
morales et des différentes facultés intellectuelles, et aux divisions qu’en
ont établies les philosophes. Or, si l’on réfléchit que la cause matérielle
de toutes les qualités et de toutes les facultés existe dans le
cerveau, comment peut-on attendre des idées conformes à la nature,
de la part d’hommes entièrement étrangers à la connoissance de la
structure et des fonctions du cerveau.
Aussi toutes les observations des physionomistes portent-elles sur
des marques extrêmement variables. Depuis le temps que les physionomistes
pratiquent leur art, ils n’ont pas établi encore un seul
principe solide, un seill signe immuable. Tout ce qu’ils avancent se
réduit à de la sensiblerie et à des déclamations. Que l’on lise tous les
jugemens de Lavater, partout on retrouvera les mêmes écarts de
l’imagination, la même exaltation si contraire à l’esprit observateur.
Le même caractère a tantôt son signe dans une certaine forme des
yeux, tantôt dans une certaine forme du nez, de la bouche, de là
main, et même dans une position particulière des dents. Ceci s’explique
très-bien : lorsque le physionomiste connoit le caractère de la personne,
et qu'il trouve en elle une partie quelconque, conformée d’une
manière qui le frappe, cette conformation devient pour lui la marque
distinctive de ce caractère. Lorsque l’on conduit un criminel à l’échafaud,
il n’y a personne qui ne lise son crime sur sa figure; cependant
à l’époque où il vivoit encore dans la société, personnene voyoit ce que,
dans ce moment,-on y voit écrit avec des caractères si distincts.'
Que l’on soumette la même tête, le même dessin au jugement de
trois zélés physionomistes. Chacun d’eux est persuadé de l’infaillibilité
de ses connoissances, et cependant chacun d’eux portera un jugement
tout différent. J’ai souvent montré une collection de quatre cents
plâtres à des physionomistes très-persuadés de la véracité de cette
science. Mes plâtres rendent très-fidèlement toutes les formes du
front, du nez, des yeux, des joues, des lèvres, du menton, etc., et
cependant aucun de ces physionomistes n’a jamais, ni déterminé le