chasseurs. L ’attention qu’on apporte à chasser, autant qu’on peut, l’animal
qu’on a lancé d’abord, à rompre les chiens et les châtier lorsqu’ils
sont sur des voies nouvelles, les accoutume peu à peu à distinguer par
l'odorat le cerf qu’ils ont devant eux d’avec tous les autres. Mais le
cerf, importuné de la poursuite, cherche à s’accompagner de bêtes de
son espèce, et alors, un discernement plus exquis devient nécessaire
au chien. Dans ces cas là, il ne faut rien attendre de ceux qui sont
jeunes. Il n’appartient qu’à l’expérience consommée de porter un jugement
prompt et sûr dans cet embarras. Il n’y a que les vieux chiens qui
soient ce qu’on appelle hardis dans le change, c’est-à-dire qui démêlent
sans hésiter la voie de leur cerf à travers celles de tous les animaux
dont il est accompagné. Ceux qui n’ont encore qu’une expérience commencée
donnent au chasseur attentif un spectacle d’incertitude, de
recherche et d’activité qui mérite d’être observé. On les voit balancer
et donner toutes les marques de l’hésitation. Ils mettent le nez à terre
avec beaucoup d’attention, ou bien ils s’élancent aux branches, où le
contact du corps de l’animal laisse un sentimentplus v if de son passage,
et ils ne sont déterminés que par la voix du chasseur qui les appuie sur
la confiance qu’il a lui-même dans les chiens plus confirmes et plus
sûrs. Si les chiens , emportés par un moment d’ardeur , outre-passent
la voie et viennent à la perdre, les chefs de meute prennent d eux-
mêmes, pour la retrouver, le seul moyen que les hommes puissent employer.
Ils retournent sur les derrières, ils prennent les devants pour
rechercher dans l’enceinte qu’ils parcourent la trace qui leur est échappée.
L ’industrie du chasseur ne peut pas aller plus loin; et à cet égard,
le chien expérimenté paroît arriver au dernier terme du savoir, cest-
à-dire prendre tous les moyens qui peuvent le conduire au succès.
Le chien couchant a des relations plus intimes et plus continuelles
avec l’homme. Il chasse toujours sous ses yeux, et presque sous sa main.
Son maître le fait jouir; car c’est une jouissance pour lui que de prendre
le gibier dans sa gueule. Il lui rapporte ce gibier; il en est caressé s’il
fait bien, gourmandé ou châtié s’il fait mal ; sa douleur ou sa joie
éclatent dans l ’un ou l’autre cas, et il s’établit entre eux un commerce
de services, de reconnoissanee et d’attachement réciproques. Lorsque
le chien couchant est jeune encore, que cependant il a déjà été rendu
docile, il n écouté que la voix du maître, et suit ses ordres avec précision.
Mais comme il est guidé, pour la chose dont il s’agit, par un
sentiment plus fin et plus sûr que l’homme; quand l’âge lui a donné
une expérience suffisante, il ne montre pas toujours la même docilité
quoiqu’il en ait en général une plus grande habitude. Si, par exemple ,
une pièce de gibier est blessée, et que le chien vieux et expérimenté
en rencontre sûrement la trace, il ne se laissera pas dévoier par son
maître , dont la voix et les menaces le rappelleront en vain. Il sait qu’il
le sert en lui désobéissant; et les caresses qui suivent le succès lui
apprennent en effet bientôt qu’il a dû désobéir.
Un renard qui a été pris au piège, et qui, pour s’en délivrer, s’est
vu forcé de se couper le pied, évite pendant des années entières, très-
constamment tous les pièges. Lorsqu’on a connoissance de ces renards
boiteux, dont l’infirmité annonce l’expérience, les chasseurs intelligens
renoncent à les surprendre par les moyens ordinaires. 11 faut avoir recours
à des moyens d’un autre genre qui mettent en défaut leur savoir.
Lejeune chien qui s’est une fois enfoncé dans un marais couvert de lentilles
d’eau, qu’il prenoit pour une pelouse, commît pour le reste de ses
jours les lentilles d’eau qui ne le tromperont plus. Dans les Landes de
Bordeaux,près de Sales, les bergeries ou parcs sont de grands bàtimens,
mais sans fondations. Dans les dernières années du dix-huitième siècle,
les loups n’avoient jamais encore attaqué les parcs que par les portes
et les trous dans les murailles; jamais ils n’avoient cherché à creuser
la terre pour passer sous les murailles. Depuis quelques années, on est
oblige de faire des fondations en maçonnerie,'parce que les loups devenus
industrieux ont creusé, sous les murailles en bois, des trous assez
grands pour enlever par là des bêtes à laine. Le renard, le lièvre, la
martre qui ont été chassés souvent, sont bien autrement sur leurs
gardes que les individus de la même espèce qui n’ont jamais été exposées
à aucun péril. Les jardins, dans Paris, sont habités par plusieurs espèces
d’oiséaux, des mésanges, des roitelets, des rouge-gorges, des rossignols,