le plus souvent, laisse une impression telle , qu’il est très-difficile de
détromperies personnes qui ont eu de semblables visions. Chez certaines
personnes, les visions sont périodiques , et elles ont lieu d’ordinaire
à l’époque d’une excitation de l'irritabilité, des hémorroïdes, du
flux menstruel, etc.
Chez d’autres, cet état est plus durable dans la même proportion que
l ’incitation maladive l’est davantage. Une incitation nerveuse habituelle
, une contention d’esprit trop long-temps continuée et fixée sur
un même objet, les jeûnes, les veilles prolongées, la pléthore suffisent
pour le provoquer. Les personnes nerveuses., ou pléthoriques, douées
de l’organisation en question , sont d ordinaire celles qui prétendent
avoir un esprit familier. Comme elles ne se sentent pas malades , il est
tout simple quelles placent dans Le monde extérieur ce qui réellement
n’existe qu’en elles-mêmes. Elles sont dans le cas des aliénés qui croient
embrasser l ’objet de leur amour, se battre contre des brigands ou
contre le diable. Et tout aussi peu que l’on pourra convaincre un maniaque
, tant que dure sa manie, qu’il est aliéné , tout aussi peu l’on
pourra faire comprendre à un visionnaire qu il est lunatique.
O r , il paraltroit qu’un développement extrême des circonvolutions
placées entre l’organe de la mimique et celui de la poésie, dispose à
cette incitabilité excessive. Et qu’y a-t-il en effet de plus analogue
que le talent poétique et le talent de la mimique, et la disposition aux
visions? Je ne serois pas éloigné de croire que l’exaltation de l’organe
du penchant à la religion contribue, au moins dans plusieurs cas, beaucoup
aux visions. Ces visions expliquent pourquoi tous les visionnaires
portent dans leur extérieur l’empreinte de l’onction, de l’exaltation, de
l’inspiration, de quelque chose de plus qu’humain.
Il paroît que les inspirations ne doivent pas toujours être rapportées
à la même source. Dans beaucoup de cas, elles ne sont que l’effet de
l’activité désordonnée et involontaire d’un seul organe , au moyen de
laquelle l’homme sent une impulsion violente qui lui semble agir indépendamment
de son moi, impulsion qu il attribue aune force qui est autre
chose que lui-même, et qu’il doit regarder, a cause de cela, comme une
inspiration, comme un ordre, un commandement reçu d’ailleurs. Il faut
pardonner à l’ignorance et à la superstition qui cherchent dans l’impulsion
d esprits bienfaisans , ou de démons remplis de malice , ce que
le naturaliste trouve dans l ’action vicieuse d’un organe surirrité.
Les visions ne sont pas rares dans la manie. « Rien n’est plus ordinaire
dans les hospices, dit M. Pinel, que les’ visions nocturnes ou diurnes
qu éprouvent certaines femmes attaquées de mélancolie religieuse. Une
d entre elles croit voir pendant la nuit la Ste.-Vierge descendre dans
sa loge , sous la forme de langues de feu. Elle demande qu’on y construise
un autel pour y recevoir dignement la souveraine des cieux, qui
vient s entretenir avec elle, et là consoler de ses peines. Une autre
femme, dun esprit cultivé, et que les événemens de la révolution ont
jetée dans des chagrins profonds et un délire maniaque, va constamment
se promener dans le jardin de l ’hospice , s’avance gravement les yeux
fixés vers le ciel, croit voir Jésus-Christ, avec toute la cour céleste,
marcher en ordre de procession au haut des airs, et entonner des cantiques,
accompagnés de sons mélodieux; elle s’avance elle-même d’un
pas grave pour suivre le cortège, elle le montre, pleinement convaincue
de sa réalité , comme si l’objet lui-même frappoit ses sens ; elle se livre
à des emportemens violens contre tous ceux qui veulent lui persuader
le contraire ‘ ».
XXVI. Dieu et Religion.
Dieu et la religion ont été , de tout temps, des objets tellement im-
portans pour l’homme, que tout ce qui peut être dit à ce sujet, semble
épuise. 11 n’y a pas d’idées relatives à ces matières, depuis la superstition
la plus grossière jusqu’à l’athéisme, que l ’ignorance ou les diverses
sectes de philosophie n’aient tâché d’accréditer ou de réfuter. Si l’on en
croit certains philosophes, c’est l ’homme effrayé par les grands phénomènes
de la nature qui en a rapporté la cause à des êtres tout-puissans;
I 1 De l’aliénation mentale , 2' éd it., p. 108 et 109 , §. 122.