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ayant toujours égard au différent degré d’éducabilité, dont les animaux,
soumis à l’observation, sont capables.
Reste encore à examiner pourquoi les jeunes animaux apprennent
avec plus de facilité que les adultes et les vieux. Oh parle des traces
que les impressions reçues laissent plus facilement dans les cerveaux
mous que dans les cerveaux déjà consolidés. Comme nous ignorons
complètement de quelle manière s’opère l’instruction, cette théorie
doit être rangée parmi les hypothèses. Mais ce qu’il y a de certain, c’est
que chez tous les jeunes animaux les circonvolutions antérieures-infé-
rieures et moyennes du cerveau sont, à proportion, beaucoup plus
développées qu’elles ne le sont dans un âge plus avancé. C’est du moment
de la naissance, ou bientôt après, que l ’animal doit faire connois-
sance avec le monde extérieur, autant que cela est nécessaire pour sa
conservation. L ’auteur de la nature a donc manifesté une haute sagesse
lorsqu’il établit la simultanéité des besoins et du développement, ou
de l’activité de la partie cérébrale destinée à y pourvoir. Le poulain ,
l’ànon, le veau, le chevreau, le lionceau, le louveteau, le petit chat,
le jeune singe , et, même les jeunes oiseaux, ont la région inférieure-antérieure
de la tête plus bombée que les individus de la même espèce
lorsqu’ils sont arrivés à l’âge adulte. Ainsi, parfaite harmonie entre l’organisation
et la fonction.
Sur la domesticité des animaux et sur leur disposition
à être plus ou moins facilement apprivoisés.
Pourquoi certains animaux ont-ils été réduits à l'état de domesticité?
comment le taureau puissant et le cheval fougueux ont-ils été domptés?
L ’homme, dit-on, à l’aide de la supériorité de son intelligence, a
dompté et réduit à l’esclavage les animaux qui lui ont paru les plus
utiles. C’est ainsi que l’homme, fier de sa prérogative, et s’arrogeant
une influence étendue sur les choses dont il est entouré,- oublie que
c’est à un ordre supérieur qu’il est redevable des bienfaits de la
nature.
Si c’est la force de l’intelligence de l’homme, qui a dompté le taureau
, l’étalon et le verrat, pourquoi nous, qui avons des connoissances
beaucoup plus exactes sur les animaux, que n’en pouvoient avoir nos
aïeux , sommes-nous incapables de réduire à l’état de domesticité le
renard, le chamois, le pigeon et le canard sauvages? Mille fois on a
essayé d'élever avec des pigeons domestiques de jeunes pigeons sauvages;
on a choisi ces derniers dans les espèces qui vivent également
en société ; on les a fait couver et nourrir de génération en génération
pendant cinq, six ans , dans l’espérance qu’enfin les générations suivantes
se convertiroient en pigeons domestiques. Tant qu’ils restoient
enfermés , ils se comportoient familièrement avec leurs compagnes.
Mais du moment où on leur ouvroit le colombier, ils s’envoloient
bientôt pour ne plus revenir. Depuis long-temps, on connoït l’art d’apprivoiser
les perdrix, les canards sauvages, les faisans. On achète les
oeufs, on lès fait couver par des poules ou par des canes communes;
on tient la couveuse enfermée; les petits s’accoutument avec .leurs
mères; mais à peine leurs ailes ont-elles bien poussé, qu’ils s’envolent.
Pour les retenir dans la basse-cour, on est obligé de les apprivoiser
chez soi, de les accoutumer avec l’autre volaille, et de les tenir quelque
temps enfermés ensemble. Cela ne suffit pas ; il faut encore leur arracher
de bonne heure les deux plus fortes plumes de chaque aile et
leur couper l’extrémité des autres. Tant que les perdreaux et les jeunes
canards ont le sentiment de la foiblesse de leur vol, ils s’envolent à
de petites distances le jour, et reviennent le soir. Mais quoiqu’ils aient
été tellement apprivoisés, qu’ils revenoient au son du tambour ou au
premier coup de sifflet de celui qui en prenoit soin, aussitôt qu’après
la mue on néglige de leur mutiler les ailes, ils gagnent le large, et préfèrent
de vivre à leurs propres frais. De même, les sangliers, les loups,
les chevreuils, quelqu’apprivoisés qu’ils aient été, cherchent à se mettre
en liberté, du moment où leurs penchans naturels ont acquis tout leur
développement.