
P H Y S I O L O GI E
« Elle étoit habillée de blanc., et à peu près comme mon ami me l’a-
voit dépeinte, si ce n’est qué'ses cheveux, quand il la vit, étoient retenus
dans un réseau de soie, et qu’en ce moment elle les avoit épars et
flo »ans. Elle avoit aussi ajouté à son corset un ruban d’un vert pâle,
qui, en passant par-dessus son épaule, tomboit jusqu’à sa ceinture et
suspendoit son chalumeau. Sa chèvre lui avoit été aufsi infidèle que son
amant, et elle avoit à sa place un petit chien qu’elle tenoit en lesse
avec une petite corde attachée à son bras. Je regardai le chien, et elle
le tira vers elle. ' »
Ailleurs il dit : « Et en traduisant selon ma coutume les figures et les
attitudes françoises en anglois.... »
Une telle correspondance entre l’organisation d’un écrivain et le
genre d’esprit qui règne dans ses ouvrages, devient une forte présomption
que le sens des personnes ou des individus doit être reconnu pour
une faculté fondamentale qui a son organe propre dans le cerveau.
XIV. Sens des mots, sens des noms-, mémoire des mots,
mémoire verbale.
Historique.
Dans ma neuvième année, mesparens m’envoyèrent chez l’un de mes
oncles qui étoit curé dans la Forêt-Noire.Çelui-ci, pour me donner de
l’émulation, associa à mes études un autre garçon de mon âge. On me
fit souvent des reproches de ce que je n’apprenois pas ma leçon aussi
bien que mon condisciple, quoique l’on attendît de moi plus que de
lui. De chez mon oncle, mon jeune camarade et moi, nous allâmes à Bade
près Rastadt. D’une trentaine d’écoliers que nous étions là , lorsqu’il
étoit question de réciter par coeur, j’avois toujours à craindre ceux qui,
parla composition n’obtenoient que la septième ou même que la dixième
Deuxième-part., p. 49-
place. Deux de mes nouveaux condisciples surpassoient même mon
ancien camarade par leur facilité à apprendre par coeur. Comme l’un et
l ’autre avôient de très-gpnds yeux à fleur de tête , nous leur donnâmes
le sobriquet j e u x de boeuf . Après trois ans, nous allâmesà Bruchsal- là
encore , quelques écoliers k j e u x de boeuf me donnèrent du chagrin
lorsqu il étoit question d’apprendre par coeur. Deux ans plus tard j’allai à
Strasbourg, et je continuai de remarquer que les’élèves qui apprenoient
par coeur avec le plus de facilité étoient ceux qui avoient de grands yeux
à fleur de tête*et que quelques-uns d’entre eux n’étoient pour toutle
reste que des sujets très-médiocres.
Quoique je n eusse aucune espèce de connoissances préliminaires, je
dus tomber sur l’idée que des yeux ainsi conformés sont la marque
d’une excellente mémoire. Ce ne fut que plus tard que je me dis, comme
je l ’at déjà rapporté dans la préface du premier volume : Si la mémoire
se manifeste par un caractère extérieur, pourquoi les autres facultés
n’auroient-elles pas aussi leur caractère visible au dehors ? Et c’est là
ce qui me donna la première impulsion pour toutes mes recherches, et
ce qui fut l’occasion de toutes mes découvertes.
L ’on trouvera fort singulier sans doute que ce soit précisément au suif*
de cette faculté et de son organe que mes travaux laissent le plus à
désirer. Je m’en tiendrai uniquement aux faits. Les faits resteront immuables
, dans le cas même où ma manière de les envisager subiroit encore
des modifications.
Histoire naturelle de la mémoire des mots.
Depuis long-temps on avoit signalé cette espèce de mémoire à l ’aide
de laquelle on apprend par coeur avec une grande facilité, même des
choses que l’on ne comprend pas, et on l’a appelée Mémoire des mots,
mémoire verbale ( Memoria verbalis ). L ’on savoit aussi que ceux qui
ont une excellente mémoire des mots n’ont pas toujours les autres facultés
à un degré très-éminent, et l’on donnoit même trop de généralité