
L ’inspection de son portrait, PI. XCiII,fig. 5 , explique tous les contrastes
de sa conduite.
Maintenant que l’on comprend comment les contradictions les plus
révoltantes peuvent subsister dans le même individu, on ne sera plus
étonné de voir les dévots Louis X I, PI. XCIV, fig. 11 , et Philippe II,
PL X C IV , fig. 12, exercer tous les actes de cruauté, faire des auto-
da-fé , et remplir de leurs propres mains les fonctions du bourreau.
C’est encore l’organologie seule qui donne l'explication la plus raisonnable
des horreurs de la sainte inquisition.
La vie du conquérant Cromwell est une énigme pour la plupart de
ses biographes. Sa dévotion fut-elle réelle? Fut-elle un calcul de
l ’hypocrisie? Voici comment s’exprime M. Villemain, en parlant de
la mysticité de Cromwell : 1
« Cette mysticité , pour ainsi dire officielle , employée par Cromwell
dans les relations qu’il adresse au parlement, se trouve à la même
époque dans les lettres privées. F au t-il, d’après ce fait, supposer
comme Voltaire, que Cromwell fut long-temps fanatique de bonne
foi, et qu’il devint hypocrite, à mesure que son esprit se raffina par
les progrès de sa puissance? ou faut-il croire que - Cromwell, ainsi
que Mahomet, fit ses premières dupes dans sa famille, et commença
par l’illusion des siens, le prestigé qu’il vouloit étendre autour de
lui? <1 Au reste, voici quelques-unes deslettres religieuses que Cromwell?
déjà puissant et célèbre, écrivoit aux personnes de sa famille. La
première datée de 1646, est adressée à sa fille Bridges.
« Chère f ille.............................
« Votre soeur Cleypole est tourmentée par quelques pensées inquiètes
« (je méfié en la miséricorde du Seigneur) ; elle voit sa propre vanité et
« la disposition charnelle de son âme; elle en gémit et cherche celui qui
? Histoire de Cromwell, vol. I , p. 4° 4•
« doit la satisfaire. Chercher ainsi, c’est appartenir à la secte la plusheu-
« reuse, après celle qui trouve, comme doit y parvenir tout chercheur
« humble et fidèle. Heureux chercheur! heureux trouveur! qui a jamais
« goûté combien le Seigneur est doux , sans éprouver quelques retours
« d’amour-propre et de foiblesse? qui a jamais goûté cette douceur de
« Dieu et pourroit devenir moins zélé dans son désir, et moins pres-
« sant pour obtenir la pleine jouissance du Seigneur? Ma chère amie
« poursuis toujours le Seigneur, que ni ton mari, ni aucune chose
« au monde ne refroidisse tes affections pour Jésus-Christ. J’espère
« qu’il sera pour toi une occasion de les exciter encore. Ce qu’il y
« a de plus digne d’amour dans ton mari, c’est qu’il porte en lui
« l’image de Jésus-Christ. Fixe là tes yeux; voilà ce qu’il faut aimer
« avant tout, et tout le reste pour cela, etc. »
Une autre lettre de Cromwell, à sa femme, présente le même caractère
et n’est pas moins curieuse :
« Ma t r è s -c h è r e . ........
« Cela me réjouit de savoir que ton âme prospère, et que le
« Seigneur augmente de plus en plus ses faveurs pour toi, le grand
« bien que ton âme peut désirer, c’est que le Seigneur verse sur toi
« la lumière de sa protection , qui vaut mieux que la vie , etc. »
« Je livre au lecteur ces lettres ascétiques, qui semblent plus dignes
de madame Guyon que d’un conquérant : s’il ne veut pas y voir une
habitude de langage et une intention de tromper, qui n’est puissante
que lorsqu’elle est de tous les momens, on peut en conclure que
Cromwell étoit de bonne foi. Indépendamment des diverses preuves
que j’ai opposées à cette opinion, et du témoignage des ennemis de
Cromwell qui, fanatique, ou non , l’accusent tous d’hypocrisie, je puis
citer l’autorité d’un témoin impartial et indifférent, l’ambassadeur de
France, Deborbeaux, écrivoit à l’occasion du zèle que Cromwell
montroit pour le protestantisme: « Les bruits qu’on fait courir du
« général ne sont pas vrais : il affecte bien une grande piété; mais par