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rieure de l ’orbitè. Des yeux enfoncés, au contraire, sont plutôt petits,
et ne dépassent pas le bord de l ’arcade inférieure de l’orbite. Que l’on
compare les yeux de Racine, PI. LX X X IV , fig. 1 ; de Milton, fig. 2 ,
avec ceux de Rousseau, fig. 3.
Milton me fatigue par la foule de noms qu’il prodigue partout. Dans
le premier chant du Paradis perdu, il y a une énumération de noms
qui prend plusieurs pages. Dans tout son poëme, il donne des noms
à tous les objets dont il parle , de quelque nature qu’ils puissent être.
C’est encore là l’empreinte de l ’organisation de l’écrivain.
Racine, dit-on, n’oublioit jamais rien. J.-j. Rousseau, au contraire >
se plaint sans cesse de sa mauvaise mémoire.
«.Tous les matins, vers les dix heures, dit-il, j’allois me promener au
Luxembourg , un Virgile ou un Rousseau dans ma poche; et là, jusqu’à
l’heure du dîner, je remémorois, tantôt une ode sacrée, et tantôt
une bucolique, sans me rebuter de ce qu’en repassant celle du jour, je
ne manquois pas d’oublier celle de la veille. ' »
Deux femmes de ma maison avoien11 une et 1 autre de petits yeux enfoncés.
Après plus de huit ans, elles n’avoient pas pu parvenir encore à
retenir les noms despersonnes auxquelles je donnois habituellement des
soins.
De la mémoire des noms et des mots dans l’état
de maladie.
Un officier fut blessé d’un coup de pointe, immédiatement au-dessus
de l’oeil. Il me dit que depuis ce moment il a beaucoup de peine à se
rappeler les noms de ses meilleurs amis; il n’avoit absolument aucune
Connoissance de ma doctrine. 11 ne s’aperçoit d’aucun affoiblissement
de ses autres facultés. *
* Confessions. Liv. YII.
A Marseille, un autre jeune homme reçut au-dessus du sourcil un
coup de fleuret qui lui fit perdre totalement la mémoire des noms;
il ne pouvoit pas se rappeler ceux de ses amis les plus intimes, même
celui de son pere. J ai cite d autres faits semblables en plusieurs endroits
de cet ouvrage.
M. le baron Larrey a eu la complaisance' de m’amener un de ses
malades dont voici l’histoire :
M. Edouard de Rampan, âgé de vingt-six ans, reçut avec un fleuret,
dont la pointe avoit été rompue sur son plastron, un coup à la partie
moyenne de la région canine gauche, près de l’aile du nez, dans une direction
oblique de bas en haut, êt un peu de dehors en dedans. L ’instrument
pénétra à la profondeur de trois pouces et demi ou environ à
travers la fosse nasale gauche, traversa la lame criblée de I’ethmoïde près
de l’insertion de la faux du cerveau, etparoit avoir pénétré, dans une
direction verticale et un peu oblique, d’avant en arrière, à la profondeur
de cinq à six ligues dans la partie interne postérieure du lobe antérieur
gauche du cerveau, de manière à se rapprocher de la partie antérieure
du mésolobe.
Le malade éprouva une hémorragie très-considérable dans l’instant
même de la blessure, et il est sorti une très-grande quantité d'esquilles
par le nez et par la bouche.
Tous les, organes des sens ont été paralysés à l’instant même, mais ils
ont repris peu à peu leurs fonctions, et il ne reste plus maintenant que
les altérations suivantes :
La vue a été perdue totalement de l’oeil gauche pendant un mois • elle
est rétablie aujourd’hui, mais le malade voit les objets doubles.
L ’odorat étoit totalement éteint, il est rétabli à présent,; et Je malade
peut distinguer les liqueurs alcooliques odorantes des liqueurs inodores.
Le goût étoit également aboli , il s’est rétabli peu à peu sur le côté
droit de la langue, de manière que la moitié droite de cet organe perçoit
très bien les saveurs. Tandis que le côté gauche est privé de cette faculté
, la totalité de cet organe est entraînée à droite , par opposition à
l’hémiplégie qui existe du côté droit, la bouche étant déjetée à gauche.