
lorsqu’il falloilles donner au théâtre. Quand il pre’senta aux comédiens
sa tragédie de Catilina, il la leur récita toute entière de mémoire;
jamais il n’a rien oublié de ce qu’il avoit appris.
Que l’on considère les yeux de Strabon; de l’Arétin ( Léonard),
historien polygraphe et traducteur; de Sarpi, auteur de l’histoire du
Concile de Trente; de Gibbon; de Jean Muller, auteur de l’histoire
de la Suisse ; tous ont les yeux très-saillans et déprimés vers la joue.
Que l’on considère le portrait de M. Adelungà Brunswic et celui de sa
fille, qui a hérité du génie de son père pour les langues; ceux de
MM. Bôttiger, de Dresde; Heyne, de Gôttingue; Schlosser, Birkenstock,
de Vienne; Saxe, d’Utrecht; Murr, de Nuremberg; Maries et Meusel, l'un
et l’autre de Erlangen; Krans, de Koenigsberg; Rasdorfer, deSchwein-
furt ; Wolf, de Berlin; Wolke, de Leipsick; Binger, de Manlieim;
ce dernier est devenu aveugle à force de lire. Qu’on admire: enfin le
signe extérieur de cette belle faculté, dans nos deux célèbres professeurs
de la faculté de Paris, MM. Desgenètes et Percy.
Je fatiguerois le lecteur en multipliant les citations. Partout où je rer
garde le portrait d’un homme qui s’est fait un nom dans une partie qui
suppose ce genre de mémoire, je trouve de grands yeux déprimés. Comment
après cela pourrois-je douter encore que cette faculté ne soit une
faculté fondamentale propre, et que l’organe n’ait son siège au-dessus
du plancher orbitaire?
Les faits prouvent jusqu’à l’évidence que cette organisation produit
toujours la même tournure d’esprit. A quelle force fondamentale peut-
on ramener les fonctions de cet organe? Est-ce à raison de cet organe
que l’espèce humaine s’est créé un langage parlé? Cet organe a-t-il tracé
aux peuples les règles immuables d’une grammaire générale ? Voilà des
questions auxquelles on ne pourra répondre un jour qu’après avoir fait
encore un très-grand nombre d’observations. En voici quelques-unes
qui pourroient faire présumer qu’on doit y répondre affirmativement.
Sens des langues dans l ’élat de maladie.
Une femme avoit assez de facultés intellectuelles pour faire son ménage
et pour soigner ses enfans. Quoiqu’elle eût l’ouïe bonne, elle ne
put jamais apprendre à parler. Dans son crâne, les planchers orbitaires
supérieurs sont fortement voûtés en sphère, preuve certaine que les
parties cérébrales, placées au-dessus étoient très-foiblement développées.
Dans le crâne d’un individu complètement imbécile , les planchers
orbitaires supérieurs s’élèvent également beaucoup en sphère dans la
cavité crânienne.
M. Pinel rapporte un fait qui trouve sa place ici :
« Un notaire avoit oublié, à la suite d’une attaque d’apoplexie, son
propre nom, celui de sa femme, de ses enfans, de ses amis, quoique
d’ailleurs sa langue jouît de toute sa mobilité; il ne savoit plus lire ni
écrire, et cependant il paroissoit se ressouvenir des objets qui avoient
autrefois fait impression sur ses sens et qui étoient relatifs à sa profession
de notaire. On l ’a vu désigner avec les doigts des dossiers qui renfer-
moient des actes qu’on ne pouvoit retrouver, et indiquer, par d’autres
signes, qu’il conservoit l’ancienne chaîne de ses idées.1 »
Un soldat que M. le baron Larrey a eu la complaisance de m’envoyer,
est dans un état à peu près semblable.
C’est également à la suite d’une attaque d'apoplexie, que cet homme
se trouve dans l ’impossibilité d’exprimer, parle langage parlé, ses sen-
timens et ses idées. Sa figure ne porte aucune trace d’un dérangement
de l’intellect. Son esprit trouve la réponse aux questions qu’on lui
adresse, il fait tout ce qu’on le prie de faire. Je lui montrai un fauteuil, et
je lui demandai s’il savoit ce que c’étoit; il me répondit en s’établissant
dans le fauteuil. Il est incapable d’articuler sur-le-champ un mot qu’on
prononce pour le lui faire répéter; mais quelques instans après, ce
mot lui échappe comme involontairement. Dans son embarras, il mon-
1 Sur l’aliénation mentale, a', édition, §. io5.