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pour l’apparence extérieure de l’organe du sens des localités. J’avois
trouvé la réponse à cette objection long-temps avant quon ne me la fit.
Mes adversaires, ou les anatomistes en général, sont dans l’erreur s’ils
admettent qu’il existe des sinus frontaux chez tous les individus. Chez les
femmes, il s’en trouve rarement; ils manquent aussi souvent chez les
hommes, jusque dans un âge assez avancé ou la lame interne recule en
dedans; mais par là il ne naît pas de proéminence à l’extérieur. 11 est
vrai que ces bourrelets apparens formés par les sinus frontaux sont à la
place où commence la marque extérieure de l’organe du sens des localités.
Mais ces bourrelets sont placés dans une direction presque horizontale;
le plus souvent immédiatement entre les sourcils, et quelquefois
ils s’étendent des deux côtés jusqu’à la moitié des sourcils. Les
proéminences, au contraire, qui proviennent du développement de
l’organe du sens des localités, sont bombées plus uniformément, sans
inégalités, et s’étendent jusqu’au milieu du front en suivant une ligne
oblique de dedans en dehors ; et de bas en haut.
Pour ne point être exposé à confondre chez les animaux le développement
de cet organe avec les proéminences produites par les sinus
frontaux, il faut avoir fait une étude approfondie de la structure de la
tête dans les différentes espèces. Dans certaines espèces, tous les individus
adultes ont des sinus frontaux très-grands, comme le taureau, le
buffle, l'éléphant, l’ours, le cochon. Dans d’autres, les sinus frontaux
existent, comme dans l ’espèce humaine, chez un individu, et n’existent
pas chez un autre. Plusieurs variétés de chiens, et souvent des individus
d’une de ces variétés paroissent avoir des sinus frontaux considérables,
quoique cependant l’anatomie démontre qu’ils n’en ont pas du tout; et
que chez eux le cerveau est placé immédiatement contre les os crâniens
fort minces.
Histoire naturelle du sens des localités chez les animaux.
La première idée une fois développée, on se trouve tout-à-coup en
possession de richesses dont auparavant on ne soupçonnoit pas l’existence.
Long-temps avant d’avoir fait les observations que je viens de
rapporter, j’avois deux chiens dont le premier, tout petit qu’il étoit,
quittoit souvent la maison pour faire des courses, mais ne manquoit
jamais de revenir. L ’autre, le même dont j’ai déjà parlé plus haut comme
aimant beaucoup à tuer, se perdoit toutes les fois qu’il me quittoit des
yeux dans la rue, et je ne pouvois le retrouver qu’en le faisant afficher
et tambouriner. Plus tard, j’ai eu une petite chienne qui n’a jamais pu
apprendre dans quel étage de la maison j’étois logé. Lorsque sortant
avec moi elle me perdoit de vue, elle restoit en place, et ne faisoit plus
un seul pas; pour la retrouver, je n’avois qu’à rebrousser chemin. Je
vis un jour une petite chienne manger avidement sur un tas d’ordures.
A cette époque, elle pouvoit être âgée de quatre mois, tout au plus;
car elle avoit encore toutes ses dents de lait. Il paroît que la manière
dont je la regardai lui inspira de la confiance ; elle me suivit sans se
laisser renvoyer. Je la menai chez une dame qui le lendemain la perdit
hors des barrières de Paris. Ce jour là et le lendemain il plut à verse
sans discontinuer; le troisième jour la petite chienne revint chez la
dame, logée au centre de Paris, dans une petite rue détournée.Quoique
par la suite cette petite bête fût très-attachée à sa maîtresse, elle couroit
toute la journée dans tous les quartiers de la ville, même lorsqu’elle
avoit des petits, mais ne manquoit jamais de rentrer à l’heure des repas.
Un jour elle se perdit à dix lieues de Paris, et cependant elle rentra
à la maison avant sa maîtresse. On transporta un chien cle Vienne
en Autriche à Pétersbourg, dans une voiture; au bout de six mois,
il étoit de retour à Vienne. On en transporta un autre de Vienne à
Londres ; il s’attacha à un voyageur, s’embarqua avec lui ; et dès qu’il
fut à terre, il s’échappa et s’en retourna à Vienne. Un autre chien encore,
fut envoyé de Lyon à Marseille; là, on l’embarqua pour Naples , il
retourna par terre à Lyon. Le garde-chasse de mon pays natal avoit
vendu un chien couchant à un autre chasseur, dont l’habitation étoit
située à' plus de trois cents lieues de là , dans le fond de la Hongrie ;
au bout de quelque temps, on apprit par une lettre que le chien s’étoit
sauvé, et quelques mois après il arriva chez son ancien maître,