
« teux et indigné contre moi-même, d’avoir comme les autres, depuis
« près de trente ans, découpé des centaines de cerveaux comme on
« tranche dans un fromage, et de n’avoir pas aperçu la fo r ê t, par
« le trop d’arbres qu’il y avoit. Mais à quoi bon se fâcher et rougir?
« Le meilleur parti est de prêter l’oreille à la vérité, et d’apprendre
« ce que l’on ne sait pas. Je dis, comme Reil, que j’ai trouvé plus
« que je ne crois qu’un homme pût faire dans le cours de sa vie.
« Je ne veux encore rien publier sur tout cela, parce que je veux y
« mettre le plus haut degré d’évidence, indiquer les procédés con-
« venables à suivre et peut-être même ajouter des planches qui éclair-
"« cissent les faits. C’est dans ce dessein que j’ai déjà examiné dix cer-
« veaux humains, et que j’en examinerai autant que je pourrai en
« avoir. Je veux, en outre, comparer plusieurs échantillons de cer-
« veaux d’animaux sauvages et domestiques, d’oiseaux et de poissons:
« injecter délicatement les veines et lès artères des cerveaux, en traiter
« plusieurs par l’alcohol, les acides, la solution de sublimé, la ma-
« cération, etc., et coucher par écrit mes différentes observations. J’es-
« père donc mettre bientôt au jour un ouvrage tel que-vous l’attendëz
» de moi. ■»
« C’est ainsi que pense et écrit l’estimable Loder. C’est ainsi que
juge un homme qui se livre à l’anatomie depuis près de trente ans. Sa
conduite prouve que la vraie grandeur ne consiste qu’à reconnoître le
mérite des autres, et à faire de bonne grâce abnégation de nous-mêmes
pour la vérité. »
Voici comment s’exprime M. Hufeland, à la page i 43 du même
ouvrage, avant de commencer ses remarques critiques:
« C’est avec un grand plaisir et beaucoup d’intérêt, que j’ai entendu
cet homme estimable exposer lui-même sa nouvelle doctrine.'
Je me suis pleinement convaincu qu’il doit être regardé comme un
des phénomènes les plus remarquables du dix-huitième siècle, et que
sa doctrine doit être comptée parmi les progrès les plus importans et les
plus hardis que pussent faire nos connoissances dans l’étude du règne
de la nature. -» .
« Il faut le voir et l’entendre, pour apprendre à connoitre l’homme
tout-à-fait exempt de préjugés, de charlatanisme, de fausseté et de rêverie
métaphysique. Doué d’un esprit d’observation rare, de beaucoup
de pénétration et d’un raisonnement juste, identifié pour ainsi dire
avec la nature, devenu son confident par un commerce constant avec
elle, il a rassemblé, dans le règne des êtres organisés, une multitude
d’indices, de phénomènes qu’on n’avoit point remarqués jusqu’à présent
, ou que l’on n’avoit observés que superficiellement. Il les
a rapprochés d’une manière ingénieuse, a trouvé les rapports qui éta-
blissoient entre eux de l’analogie, a appris ce qu’ils signifioient, a tiré
des conséquences et a établi des vérités d’autant plus précieuses qu’étant
uniquement basées sur l ’expérience , elles émanent de la nature
elle-même. C’est à ce travail qu’est due sa manière d’envisager la nature,
les rapports et les fonctions du système nerveux. Lui-même n’attribue
ses découvertes qu’à ce qu’il s’est abandonné ingénument
et sans réserve à la nature, la suivant toujours dans toutes ses gradations,
depuis les résultats les plus simples de sa vertu formatrice
jusqu’aux plus parfaits. C’est donc à tort qu’on donne à cette doctrine
le nom de système, et qu’on lajuge comme tel. Les vrais naturalistes
nesontguères propres à former des systèmes. Leur coup-d’ceil ne seroit
pas aussi juste, s’ils partoient d’une théorie systématique, et la réalité
ne cadreroit pas toujours dans un cercle aussi étroit. De là vient que
la doctrine de Gall n’est et ne peut être, d’après l ’opinion qu’il en a
émise lui-même, autre chose qu’un rapprochement de phénomènes
naturels, instructifs, dont une partie ne consiste encore qu’en frag-
mens, et dont il fait connoitre les conséquences immédiates. »
. C’estlà le jugement que les hommes les plusrespectables ont porté sur
l’anatomie et la physiologie du cerveau, telles que je les professois immédiatement
après mon départ deVienne, l’an i 8o5. Il me suffit à
présent dedonnerau lecteur une revue sommaire de mes travaux, tels
qu’ils ont été perfectionnés depuis et exposés dans les quatre volumes
de cet ouvrage..