
être l’un des sectateurs les plus zélés et les plus instruits de l’organologie.
J’ai connu un paysan nommé Michel Schayer, ainsi que sa soeur.
L ’un et l ’autre sont sujets à des accès périodiques de manie religieuse.
L ’organe de la dévotion est extraordinairement développé chez
tous les deux.
Tout comme, dans l ’état de santé, cet organe joue différens rôles selon
qu’il coexiste avec tels ou tels autres organes très-actifs, de même, dans
l ’état de maladie, ces différentes associations produisent différentes
espèces de manie pieuse.
« On remarque une gradation singulière, dit M. Pinel, dans les
affections morales des jeunes mélancoliques douées d’un tempérament
ardent; elles donnent ordinairement dans la plus haute piété, adressent
au ciel les plus ferventes prières pour combattre les penchans de
la nature et sortir triomphantes de cette lutte pénible. »
,« Une jeune fille de seize ans, élevée dans des principes sévères,
est placée chez un ouvrier pour y apprendre la broderie; elle y reçoit
d'abord les prévenances d’un jeune homme du même âge, et se trouve
exposée à toutes ses agaceries; des sentimens de piété, qu’elle doit à
son éducation,se réveillent encore avec force, et il s’établit une sorte de
lutte intérieure avec les affections du coeur. La mélancolie succède avec
toutes ses craintes et ses perplexités; plus d’appétit, plus de sommeil,
et un délire furieux se manifeste. Conduite à l ’hospice et livrée
tour à tour à des mouvemens convulsifs et à tous les écarts de la raison,
elle semble assaillie par les idées les plus incohérentes, fait entendre
souventdessons inarticulés ou des phrases entrecoupées, parle de Dieu
et de tentation. » 1
« Une fille de service douée, dès sa plus tendre jeunesse, d’un
caractère vif et emporté, sentit se développer à trente ans toute
l’effervescence d’un tempérament ardent, quoique d’ailleurs très-sage
et très-pieuse, et il s’excita une espèce de lutte pénible entre les
’ Ibidem., p. 38 et 3g.
penchans du coeur et les principes sévères dont elle avoit depuis
long-temps contracté l’habitude. Ces combats intérieurs et les
alarmes d’une conscience timorée la plongeaient quelquefois dans le
desespoir, et lui faisoient chercher les moyens de se détruire, comme
de s empoisonner ou de se précipiter du haut d’une fenêtre. Elle avoit
recours , dans ses perplexités extrêmes, à un confesseur compatissant
et éclairé, qui cherchoit à relever son courage, et qui lui répétait
souvent avec douceur qu’elle devoit s’attacher à Dieu pour retrouver
la paix du coeur. « Mais je me sens , répliquoit cette fille avec naïveté
plutôt portée vers les créatures, que vers le Créateur’, et c’est-là précisément
ce qui fait mon supplice. « Le bon prêtre persévérait lui
tenoit des propos consolans, et l’engageoit a attendre avec résignation
le triomphe^ de la grâce, à l ’exemple de plusieurs saints et même
d’un grand apôtre. C’est ainsi que loin d’inspirer des craintes sur
1 avenir, il cherchoit a ramener le calme dans cette âme agitée et à
lui opposer le meilleur remède aux grandes passions, la patience et
le temps; mais les inquiétudes et les veilles prolongées finirent par
produire une aliénation qui fut traitée à la Salpétrière suivant les
mêmes principes moraux, et qui fut de peu de durée. » ‘
11 n’est pas rare du tout que l’organe de la dévotion et celui de l’amour
physique se trouvent lésés à la fois, et voilà pourquoi les cas de manie
mêlée de manie érotique et de manie religieuse sont si fréquens.
La manie religieuse peut devenir extrêmement funeste lorsqu’il s’y
joint encore le penchant au meurtre.
J ai vu un homme chez lequel l ’instinct du meurtre et celui de la
dévotion étoient, l’un et l’autre, extrêmement développés. Il avoit
déjà eu deux violens accès de manie, dans lesquels il menaçoit
dégorger tous ceux qui ne professoient pas la religion catholique,
quoique lui-même fût protestant.
Quelquefois le penchant au suicide vient se joindre à la manie
religieuse. Un homme, de Weil en Souabe, fortement constitué , avoit
Ibidem, p. 270 et 271.