
lier, sont privés du limaçon. Celui-ci est remplacé chez eux par un
canal osseux légèrement courbé.
Si l ’oreille étoit la cause matérielle du chant chez les oiseaux et de la
musique chez l’homme, et les oiseaux et l’homme ne pourroient, en fait
de chant et de musique, que répéter ce qu’ils ont entendu. Or, comment
chacun des oiseaux chanteurs a-t-il acquis son chant? Où est celui qui
a donné des leçons à la première grive, ( Tordus musicus) et au premier
rossignol ? Comment se fait il que des oiseaux couvés et élevés par des
oiseaux d’une espèce différente de la leur, et qui n’ont jamais entendu
chanter leur père, entonnent cependant le chant propre à leur espèce.
M. Barvin dit, d’après Kircher, « que les jeunes rossignols, couvés par
d’autres oiseaux, ne chantent jamais, que dans le cas ou ils ont été instruits
parla fréquentation d’autres rossignols ». Mais le fait est faux. 11 en
est, si Ion veut me permettre cette comparaison, du chant des oiseaux
comme de la langue de l’homme d’un même pays. 11 est pour l’essentiel
le même; mais il éprouve des modifications à un rayon de quelques
lieues seulement, dans chaque contrée un peu considérable, dans une
petite île même. De jeunes oiseaux, élevés à la maison, chantent moins
bien les premières années, mais ils se perfectionnent d’année en année,
sans avoir jamais entendu chanter d’autres oiseaux de leur espèce.
Comment concevoir chez l’homme l’invention en musique, s’il faut
que le musicien ait entendu auparavant tout ce qu'il rend? Pourquoi
des enfans doués d’une oreille excellente ne sont-ils pas grands musiciens
nés? Qui ne sent, que le créateur en musique puise ses créations
dans l’intérieur de son âme? Que tout ce qu’il exprime sur le papier par
des notes, il l’avoil senti, il l’avoit conçu an-dedans de lui-même? Pourquoi
donc les personnes douées de l’oreille la plus fine ne sont-elles
pas douées du talent le plus distingué pour la musique ?
Je n’ignore pas que Buffon , Cabanis, et d’autres accusent l’inégalité
qui existe entre l’une et l’autre oreille des vices de la musique de certains
compositeurs : mais l’expérience journalière réfute cette assertion.
L ’on trouvera difficilement un individu qui ait les deux oreilles également
bonnes. M. Holzbauer, célèbre maître de chapelle à Manheirn ,
étoit sourd d’une oreille, et entendoit très-mal de l’autre; cela ne l’empêcha
pas de composer de la musique très-harmonieuse. Astley Cooper |
parle d’un homme qui avoit l’oreille très-dure depuis son enfance, et
qui cependant,, étoit très-sensible à l ’harmonie; cette personne jouoit
très-bien de la flûte, et se faisoit entendre avec beaucoup de succès
dans les concerts. « J’ai connu un enfant, dit M. Barvin, qui aimoit
extrêmement la musique, et qui retenoit facilement un air après l’avoir
entendu chanter distinctement, et dont l’organe de l’ouïe étoit cependant
si peu parfait, qu’il falloit parler très-haut lorsqu’on lui adressoit
la parole, j » J’ai lu dans l’ouvrage d’un médecin françois l’exemple d’un
garçon qui avoit perdu l’ouïe par suite de la petite vérole, et qui. cependant,
composoit lui-même des chansons et les chantoit juste. Tous
ces faits prouvent que l ’oreille est tout au plus l’une des conditions pour
exécuter les compositions musicales, mais qu’elle ne peut point être
considérée comme la cause du sentiment de la musique et de l ’invention
musicale.
Ceux qui attribuent au gosier le chant, soit des oiseaux, soit de
l’homme, portent un jugement tout aussi superficiel. Le gosier n’est pour
le chant qu’un moyen d’exécution, comme l’est la main pour le peintre
et pour le sculpteur. Une voix de haute-contre ou de basse, la flexibilité
de la voix, etc., dépendent, il est vrai, de la structure du gosier.Mais
ne faut-il pas qu’une faculté, tant de l’oiseau que de l’hommaj ait conçu
toute la suite des tons avant que d’imprimer à leur gosier tels ou tels
mouvemens ? Je sais du reste parfaitement que le gosier ou la glotte est
en connexion avec l’instinct delà propagation et avec celui du chant.
La glotte, dans les oiseaux chanteurs , est autrement formée chez le
mâle que chez la femelle. Les oiseaux châtrés ne chantent plus. La voix
des femmes et celle des castrats diffèrent de celle de l’homme. Un grand
nombre d’espèces d oiseaux ne chantent que dans le temps de leurs
1 Ueber die Wirkung der Zerstoelirung des Trommelfells. (C’est-à-dire des effets
de la destruction du tinipan ).
* Zoonomie, T. I , p. 265.