exténué de fatigue. Il n’est aucun de mes lecteurs qui ne connoisse
des faits semblables : mais comment expliquer ce phénomène?
On a recours ordinairement à l ’odorat exquis du chien. Mais quelquefois
des chiens qui reviennent de très-loin ont l ’odorat fort obtus.
Et après tout, comment veut-on qu’un chien découvre à l ’aide de son
nez les traces d’un voyage qu’il a fait dans une voiture ou par eau,
lorsque depuis il est resté enfermé plusieurs mois : les pluies, les
neiges et les vents n’ont-ils pas dû nécessairement détruire toutes les
émanations? Qui osera soutenir que le chien peut discerner l’atmosphère
de son maître, à un rayon de quelques centaines de lieues? Du reste,
c’est un fait bien avéré que dans ces cas le chien ne se rend point du
tout à son premier"domicile en ligne droite; qu’il erre au contraire par
plusieurs détours, et souvent par un chemin bien différent de celui
par lequel on l’avoit enlevé. Ces circonstances paroissent, à certains
naturalistes, inexplicables par l’odorat, et ils aiment mieux avoir recours
à un sens inconnu qu’ils appellent le sixième sens.
Il est en effet impossible d expliquer ces phénomènes à l ’aide du
sens de 1 odorat. Personne n’attribue aux pigeons un odorat exquis ;
cependant tout le monde sait que si on les emporte dans un sac, à travers
champ, à des distances considérables , dans une contrée qui leur
est absolument inconnue, et qu’on les lâche ensuite, ils retournent clans
leur colombier immédiatement, et par le plus court chemin. MM. Van
Heynsberfen, et Yan Breda m’ont communiqué le fait suivant : « Deux
pigeons, male et femelle, de 1 espece dite les pirouetteurs, dont le vol
est très-rapide, furent envoyés de Vlaardinge (petite ville delà Hollande,
située sur la Meuse) en Islande.
« Le bâtiment étant presque arrivé an lieu de sa destination, le mâle
s’échappa, et s’éleva tout-à-coup à une telle hauteur, que l’oeil pouvoit
à peine le suivre. Le capitaine du vaissèau craignant qu’il ne revînt
pas, laclia la femelle, dans 1 espoir qu’elle attireroit et ramèneroit le
mâle; mais celle-ci, après avoir volé quelques instans entre les cor-
dages, s’éleva de même, et alla joindre le mâle. Après s’être réunis, ils
s’amusèrent à planer pendant quelque temps dans les airs, et ensuite
ils dirigèrent leur vol par la voie la plus directe vers la Hollande avec
autant de justesse que le capitaine lui-même, d’après ses propres expressions
, auroit pu le faire en suivant la boussole. Il résulta des dates du
journal demer,-que les oiseaux arrivèrent le troisième jour à Vlaar-
dinge, sur la maison d’où ils avoient été enlevés. Ils étoient tellement
fatigues et épuisés, qu ils tombèrent du toit dans la cour, après avoir
long-temps été appelés en vain par leur maître, qui leur jetoit de la
nourriture, et qu’ils ne sortirent pas dans la première semaine ».
Il n’y a pas long-temps que les journaux ont rendu compte du pari
ensuite duquel on a transporté des pigeons, à une grande distance de
Bordeaux ou de Toulouse, pour les lâcher au lieu convenu.
M. le baron de Haak a fait transporter de son bien de campagne situé
près de Manheim, un pigeon mâle et sa femelle , 'à vingt-quatre lieues
de là dans le Yoralberg, où on les a mis en liberté : l’un et l'autre
sont revenus au gîte.'
C’est sur des faits semblables que se fonde la poste aux pigeons, jadis
en usage.
On aemporté des chats dans un sac à une distance dehuità dix lieues,
et ils sont revenus.
J’ai vu à Vienne un faucon d’Islande, qui après une captivité de plusieurs
années n’avoit point encore oublié sa patrie. Dès qu’à la chasse
au faucon on l ’avoit décapuchonné , il s’élevoit perpendiculairement
de la perche, à perte de vue.On le suivoit avec des longues-vues, il décri-
voit quelques cercles, puis il se dirigeoit droit au Nord. Joseph II rendit
les spectateurs, au nombre desquels je me trouvois,attentifs à la direction
que prenoit l’oiseau; l ’amusement de l’em,pereur étoit de lâcher
après ce faucon deux lanerêts qui s’élevoient à une hauteur plus considérable
que le premier, puis s’abattoient avec lui. Lorsque dans une
contrée riche en miel, on transporte des abeilles à une distance de
plusieurs lieues, elles s’élèvent à une hauteur considérable, décrivent
un cercle dans les airs, et, quoiqu’elles appartiennent à une centaine de
ruches différentes, chacune sait retrouver la sienne.
Ces exemples pris chez les animaux prouvent bien que l’expression