
laquelle certaines personnes avec de grands yeux à fleur de tête, même
dans toute la force de l’âge et de la santé, n’ont pas toujours une mémoire
plus qu’ordinaire. Il est au moins certain que quelques personnes
apprennent, en général, par coeur avèc facilité, mais ont une mémoire
des noms, ingrate, tandis que d’autres s’impriment facilement
les noms, et ont de la peine à retenir des morceaux, tant soit peu
considérables, soit de vers, soit de prose. Je n’ai point réussi encore
à bien discerner toutes ces variétés ; cependant, dans dix jugemens
que je porterai, je me tromperai une fois, tout au plus. Je serois encore
bien plus rarement dans le cas de me tromper, si l’organe de cette faculté
n’étoit pas placé dans une région telle, qu’il peut s’étendre dans
toutes les directions, de haut en bas, en avant, latéralement, et de
bas en haut.
Je regarde comme l ’organe de la mémoire des mots, cette partie
cérébrale qui repose sur la moitié postérieure de la voûte de l'orbite;
PI. IV, entre xv et 3g. Nous n’avons pas donné dans les gravures de
chiffre particulier, à la partie dont il est ici question, parce que nous
avions considéré le sens des mots, comme n’étant qu’un fragment du
sens de langage de parole, xv.
Cependant il est certain que souvent il n’y a que la moitié postérieure
du plancher orbitaire qui se trouve déprimée par le grand développement
de la partie cérébrale indiquée; et dans ce cas, la partie
postérieure de l ’orbite doit également perdre de sa profondeur, et le
bulbe être poussé en avant. Cette forme dés yeux se rencontre souvent,
sans que les circonstances que j’indiquerai, en parlant du sens du langage
, aient lieu en même temps; c’est pour cette raison que je traite
séparément de ce dernier organe.
Que l ’on observe les personnes qui font des collections; sur cent,
on en trouvera quatre-vingt-dix-neuf qui ont de grands yeux à fleur de
tête. Il paroît que le besoin de se meubler la tête d’une infinité de noms
leur inspire l’amour des collections. Elles éprouvent un gtand plaisir a
retenir avec une grande facilité les noms de tous ces milliers d’objets
qu’elles recueillent. Mon respectable maître, Mf Jacquin père , professeur
de chimie et de botanique, l’abbé Mazola et M. Kreuzer, l’un et
l’autre insectologues; le baron Vanderluhe, le comte de Herberstein
botanistes à Vienne; le conseiller de cour Bloch, botaniste et insec-
tologue à Dresde, qui forment chacun avec ardeur des collections dans
leur partie; M. Oetzel dePotsdam, qui fait des collections de tous les
objets que l’on rencontre dans le commerce; M. Roeding, à Hambourg.
M. Martens, à Brême, qui a fait une collection précieuse d’algues;
M. Beuth, à Hambourg, qui entasse tout ce qui peut être considéré
comme objet d’histoire naturelle; M. Gering, à Francfort, qui fait une collection
d’insectes et de papillons ;M.leprofesseur Sukow, à Heidelberg-
M. Goll, qui fait une collection de gravures; M.Winter, à Amsterdam,
qui recueille des oiseaux, des singes et des coquillages; MM. Camper
père et fils, à Franecker; M. Bruggmans, à Leyde, etc., etc., ont tous ,
sans exception , de grands yeux à fleur de tête. M. Temming, à Amsterdam,
qui fait une collection de singes, a cette organisation à un moindre
degré que les autres ; mais aussi, à ce qu’il dit lui-même, il ne forme sa
collection que dans l ’idée d’établir un jour, d’après des caractères certains,
une division des différentes variétés de ces animaux. Je ne finirais
jamais si je voulois citer tous les exemples à ma connoissance qui confirment
mon observation.
M. Hufeland parle d’un individu ayant de très-grands yeux singulièrement
à fleur de tête, et qui cependant n’a pas de mémoire; il dit :
très-grands yeux .singulièrement à fleur de tête.
C’est précisément cette manière dont il s’exprime qui me rend l ’observation
suspecte : car de semblables yeux sont fréquemment l’indice
d’une maladie,, soit le rachitis, soit l ’hydrocéphale, que l ’individu
a éprouvée dans sa première enfance. Quoique de semblables personnes,
dans un âge plus mûr, paroissent jouir d’une bonne santé, le médecin
exercé découvre cependant en elles les traces de leur ancienne maladie;
elles sont très-sensibles et extrêmement irritables; leur tête n’est
point symétrique, elle est plus élevée tantôt devant, tantôt derrière,
tantôt sur les côtés, et elles sont très-disposées à la manie. Certaine-
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