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invisibles; ici seulement aux lois humaines, dont la stricte obser*
vance exige, non pas une légère privation, un exercice oisif, mais
souvent une courageuse résignation de soi-même, une compression
des inclinations les plus chères et les plus impérieuses. Prêchez les
macérations, le fanatisme, les abstinences, les mortifications, les
mystères, etc., et la foule vous suivra; mais exigez une sévère moralité
des actions, et vous serez abandonné dans le désert. Il en coûte
bien plus d’être vertueux que d’être dévot.
Penchant religieux dans la manie.
« Rien n’est plus ordinaire dans les hospices, dit M. Pinel, que
des cas d’une aliénation produite par une dévotion trop exaltée , des
scrupules portés à un excès destructeur, ou des terreurs religieuses.^»
Comme cette espèce de manie sè présente très-souvent sans quil
y ait lésion des autres qualités ou facultés, les médecins auroient du
en conclure, il y a long-temps, quelle tient à la lésion d’une partie
cérébrale particulière.
Nous vîmes dans l’hospice d’Amsterdam un aliéné qui étoit tourmenté
de l’idée que, contre son gré, il étoit forcé de pécher, et qu’il
ne pourroit pas être sauvé. Il avoit l’organe de la dévotion très-dé-!
veloppé.
J’ai parlé ailleurs d’un ecclésiastique qui désespéroit de son salut.
Un autre aliéné encore avoit l’idée fixe qu’il étoit condamné aux brasiers
éternels. L ’organe de la dévotion étoit très-développé chez tous
les deux. .
On mena chez moi une nommee Elisabeth Lindemann. Je vis du
premier eoup-d’oeil qu’elle avoit l’organe de la dévotion extraordinairement
développé. Elle se tenoit debout devant moi, levant de
temps en temps les yeux au ciel, et témoignant par tous ses gestes la
' Sur l’aliénation mentale, p. l$-
tristesse et l’angoisse. Depuis sa jeunesse, elle s’étoit livrée avec excès
à la prière; depuis quelque temps elle étoit sujette à des convulsions
et soutenoit qu’elle étoit possédée; le diable, disoit-elle, entroit dans
son coeur par la bouche, et faisoit des efforts pour l’entraîner en enfer.
« Un jeune homme, à l ’époque de la révolution, fut consterné
du renversement du culte catholique en France, et dominé par des
sentimens religieux, il devint maniaque, et fut tranféré à Bicêtre après
le traitement usité à l’Ilôtel-Dieu. Rien n’égale sa sombre misanthropie
; il ne parle que des tourmens de l’autre vie, et il pense que pour
s’y soustraire, il doit imiter les abstinences et les macérations des
anciens anachorètes : il s’interdit dès-lors toute nourriture, et vers le
quatrième jour de cette résolution inébranlable, son état de langueur
fait craindre pour sa vie. Remontrances amicales , invitations pressantes,
tout est vain; il repousse avec dureté un potage qu’on lui
sert, et il affecte d’écarter la paille de sa couche, pour reposer sur
les planches. » 1
« Un aliéné d’un caractère doux, invoque sans cesse son bon ange
gardien, ou bien quelques-uns des apôtres, et ne se plaît que dans
les macérations,le jeûne, la prière. J’aimais à converserquelquefois avec
un aliéné par dévotion, qui comme les antiques disciples de Zoroastre,
rendoit un culte particulier au Soleil, se prosternoit religieusement
devant cet astre à son lever, et lui consacroit durant la journée ses
actions , ses plaisirs, ses peines. » 1
J’ai vu, dans la collection de M. Esquirol, les plâtres des têtes de
trois personnes atteintes de manie religieuse. L’organe des sentimens
religieux est extrêmement développé dans toutes les trois. J’ai cité
des exemples analogues à l’occasion des organes du meurtre et de la
poésie. Si M. Esquirol continue pendant quelque temps de mouler
les têtes des aliénés et de conserver leurs crânes, il ne tardera pas à
1 Pinel, sur l’aliénation mentale, p. 207. Voyez des exemples semblables, p. 31,
42, 44) 267, 269.
* Ibidemy p. 118.