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quer aux devoirs de fa Religion. Il étoit C h e f d’une troupe de Brigands
3 Si quand ils s'emparaient de quelques Voyageurs, il eédoit
tout le butin à fes compagnons, pourvu qu’on lui livrât en vie ces
malheureufes victiines. Il les deshabilloit, & les attachent tout nuds
à un arbre , quel que fut leur fexe : il leur ouvrait le fein vis-à-vis
du coeur , & s’abreuvoit de leur fang. Il avoit, difoit-il, beaucoup
de plaiiir à voir les mouvements affreux & les convulfions horrible?
de ces infortunes (i ).
(i) Ce fait, prefque incroyable, m’a été raconté par des Rufles.
pitre 9. Mais Bafile lui-même fournit les meilleures preuves de ce que nous avançons ,
dans les Réglés qu’il donne aux Moines, dans fa Réponfe fur la feptieme Queftion, où
il établit par plufieurs raifons fort étendues, qu’il vaut mieux que les-Moines vivent en
commun dans des Monafteres, que féparément dans des déferts. 11 fait voir dans-ce même
Ouvrage, que la vie folitaire eft expofée à de grands dangers , 8c qu’elle peut caufer de-
grands maux à notre ame. Mais ces Monafteres étoient établis dans les mêmes endroits
déferts , & les Moines vivoient de la même maniéré que ces Solitaires avoient vécu. Ils
ne fubfiftoient point aux dépens des autres hommes : leurs Couvents étoient éloignés des
Villes 8c des autres habitations. C’eft ainfi que le Monaftere de Bafile étoit bâti dans le
défert appellé Pont ; & S. Chryfoftôme , dans fon Difcours 4; fur la Genefe, quand il parle
des Moines, les appelle toujours Habitants des montagnes. Voyez fon Difcours fur Saine
Matthieu, & fes trois Livres fur ceux qui blâment l’état Monaftique. Voyez encore plufieurs
autres endroits de fon Ouvrage. Nous avons des témoignages fans nombre, que les
Moines ne prétendoient pas vivre aux dépens des autres. S. Chryfoftôme dit dans fon Difcours
à ce fujet, que les Moines non-feulement ne vivoient que du travail de leurs mains »
mais qu’ils exçrçoient l’hofpitalité envers les Etrangers, recevoientles malades, lesnour-
riiToierit & les fervoient. Bafile le Grand dans les Réglés fur les Couvents, 8c dans la Ré-
pônfe à la Queftion 3 1 , établit par les raifons les plus folides, l’obligation où font les
Moines de travailler, & il rejette les exeufes de ceux qui ne vouloient que chanter des
Pfeaumes ; 8c dans la Réponfe à la Queftion 38 , il traite des travaux qui leur conviennent.
Il ajoute encore dans la Réponfe à la Queftion 42 , que les Moines doivent moins
travailler pour eux que pour les pauvres, & les aflifter du fruit de leurs travaux. St. Ifidore
de Pélufe , dans fa Lettre 49 à Paul, Directeur d’un Couvent, qui avoit fous fon obéif-
fance beaucoup de Moines vivant dans l’oifiveté, lui fait des reproches amers à ce fujet,
8c déclame avec force contre ces Moines, qui commênçoient déjà à vivre d’une façon fi peu
conforme à leur première inftitution, laquelle avoit pour bafe la pénitence, le travail &
là pau vreté. Nous lifons dans Socrate, Hiftorien Eccléfiaftique, Livre 4, Chapitre 8, qu’un
De Semblables faits font rares en Ruffie ; auilï n’ai-je rapporté
¿elui-ci, que pour faire connoître que dans cette Nation on s’eft
moins attaché dans la Religion, à donner des moeurs au Peuple,
qu’à lui faire obferver certaines pratiques de Religion, qui ne rendent
pas toujours l’homme meilleur.
La Religion Grecque n’a prefque point eu de Secte en Ruffie
peut-être par l’ignorance du Clergé. Celle de Razholniki eft la feule
qui s’y foit foutenue jufqu’à ce jour. M . de Voltaire affigne l’époque
de ces anciens Anachorètes avoit donné lieu â ce proverbe , qu’un Moine oifif efi un voleur
rufè. Nous favons aufli que cent ans après l’origine des Moines, il y eut des Moines oififs,
qui délirant fe nourrir du travail des autres, exeufoient leur parefle en interprétant mal
.ces paroles de J. C. : Conjîdire{ les oifeaux du Ciel j ils ne moiÿonnent point, ils n’amaffent
rien dans des greniers ; mais notre Pere célefie les nourrit : ne valeç-vous pas beaucoup mieux
que des oifeaux ? Mais la faufleté de ce fentiment fut bien-tôt combattu par les véritables
Moines, comme on le voit dans la vie des anciens Peres.
Le fameux Doéteur Auguftin a réfuté cette opinion dangereufe , dans un Livre qu’il
donne fur ces Moines inutiles & defoeuvrés. J. C . , pair les paroles qu’on vient de citer,,
nous avertit feulement de n’avoir pas une confiance trop grande dans nos trayaux 8c nos
entreprifes : il veut qu’en nous occupant au travail, nous mettions notre efpérance dans la
Providence divine. Mais il s’en faut bien que par ces paroles J. C. défende de travailler ;
puiique dans plufieurs endroits de l’Ecriture Sainte il loue non-feulement le travail, mais
il l’ordonne expreflement. Il menace fur tout pour le jour du Jugement, de peines éter*
jielles ceux qui n’auront pas aflïfté les pauvres ; 8c dans le temps qu’il alloit à la mort, il
rendit lui-même un dernier fervice à fes Difciples , en leur lavant les pieds : ce qu’il leur
a ordonné de faire aux autres. Cette a&ion de charité de J. C. eft beaucoup au deflus, non»
feulement de l’état Monaftique aéfcuel, mais même de Fancien dans fa plus gran.de per-
feétion ; car quelque louable que foit le moyen qu’avoient choifi ces anciens Anachorettes
pour faire leur falut, cependant il eft d’inftitution humaine ; au-lieu que celui d’avoir foiii
des pauvres a été ordonné par Dieu même. Si les Chrétiens euflent fuivi les inftru&ions de
.ces faux dévots qui leur prêchoient la parefle , ils auroient renverfé l’Ecriture Sainte, qui
ordonne à tout homme de travailler fuiyant fa prdfeflïon. Ces paroles de J. C ., voyt\ les
oifeaux du Ciel, &c. ne font pas pour les feuls Moifies, mais pour tous les hommes en
général. Si l’on eut adopté l’explication de ces faux Sages, il s’enfuivroit que perfonne ne
jdevroit travailler , 8c que les hommes fe réduiroient par-là de leur propre mouvement, 4
la trifte néceflité de mourir de faim. Ôn pourroit citer ici un grand nombre de raifonne-
ments, tirés tant de l’Ecriture Sainte que des Ouvrages des Saints Peres j mais ce que nous
yenons de dire fuft>c»
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