Bourreaux la prend par les deux mains ; & faifant auffi-tôt un demi
tour, il la placé fur fon dos courbé , & l’éleve par ce moyen de
quelques pouces de terre : l’autre Bourreau fe failit de fes membres
délicats, avec de greffes mains endurcies à la charrue ; il la porte ,
& la tranfporte fans aucun ménagement fur le dos de fon camarade
, pour la placer dans l’attitude qui convient à ce fupplice. Tantôt
il lui appuie brutalement fa large main fur la tête, pour l’obliger à
la tenir baiffée j tantôt femblable à un Boucher qui va écorcher un
agneau , il femble la careffer au moment qu’il a trouvé l’attitude la
plus favorable.
C e Boureau prit alors une elpece de fouet appelle knout : il eft
fait dune longue couroie de cuir préparée à ce fujet : il s’éloigne
aufli tôt de quelques pas, en mefurant d’un oeil fixe l’efpace qui lui
étoit néceffaire ; & en faifant un faut en arriéré, il lui applique un
coup de l’extrémité du fouet, & lui enlcve une laniere de peau depuis
le cou jufqu’aubas du dos. Il prend en trépignant des pieds, de
nouvelles mefures pour en appliquer un feeond parallèlement au premier
; & en quelques moments il lui découpe toute la peau du dos en
lanieres, qui pour la plupart pendoient fur fa chemife. On lui arracha
la langue immédiatement après, & elle fut envoyée aulli-tôt en
exjl en Sibérie, Cet événement eil connu de tous ceux qui ont- été
en Ruflte (i).
Le fupplice du knout ordinaire ne deshonore point, parce que dans
ce Gouvernement deipote chaque Particulier eft expofé aux mêmes
événements,qui ont fonvent été les fuites de fimples intriguesde Cour.
O n condamne au grand knout les Ruffes qui ont commis les
crimes qui ont rapport à la Société. C e fupplice tient lieu communément
de celui de la roue en France. Le grand knout ( n °. X IV )
ne différé du knout ordinaire qu a quelques égards : on éleve le criminel
en lair par le moyen d’une poulie fixée à une potence , ôi
" jj j Elle fat rappellée de fon exil par Pierre 111, en 1761.
d’une corde attachée aux deux poignets liés enfemble ; on place une
poutre entre les deux jambes, attachées de même , & on en place
uñe fécondé en forme de croix au deffous de l’eftomac. On lui
attache quelquefois les mains derrière le dos ; & en l’élevant dans
cet état, fes bras fe difloquent à l’omoplate.
Les Bourreaux rendent ce fupplice plus ou moins cruel parla
façon dont ils l’exécutent : ils font fi adroits, que lorique le criminel
eft condamné à mort, ils le font mourir à leur volonté , d’un
feul ou de plufieurs coups de fouet.
Outre le fupplice du knout, celui de la rôue étoit en iffage
avant l’Impératrice Elifabeth. On empaloit quelquefois les criminels
par le côté : on les pendoit en les accrochant par les côtes ; ils vi-
voient plufieurs jours dans cette derniere fituation, ainfi que les
femmes, qu’on enterroit toutes vives jufqu’aUx épaules, pour avoir
tué leur mari. Le fupplice d’avoir la tête coupée, étoit commun au
Peuple & à la Noblefle.
La Ruifie fournit un exemple bien frappant, qüe ni la mort des
Scélérats, ni la cruauté de leurs fupplices, ne rendent pas les hommes
meilleurs. {Voye{ l’Article du Gouvernement & des Moeurs ).
L ’Impératrice Elifabeth n’a laiffé fubfifter que le fupplice du
knout, ainfi que je l’ai déjà obfervé : On condamne même rarement
les Criminels à ce fupplice ; elle l’a remplacé en exilant la
Noblefle, en confifquantfes biens ,& en condamnantle Peuple aux.
travaux publics. J’ai connu bien des perfonnes qui blâmoient la
conduite de l’Impératrice Elifabeth à cet égard : ils regardoient ces
châtiments comme trop doux.
Cette opinion peut avoir quelque fondement par rapport à certains
crimes ; mais il paraît que ces perfonnes étoient peu inftruites
fur la façon dont l’exil fe pratique en Ruflîe,
Tous les Criminels condamnés aux travaux publics fubiffent le
même traitement : ils font enfermés dans des Priions environnées