à la culture des terres , elle y eft très négligée , tant à caufe de la
parefle des Habitants, que de la rigueur du froid, de la durée des
hivers, & des pluies prefque perpétuelles qui fuccedent au dégel.
Ces différentes caufes phylîques font que le peu de bled qu'on y
feme parvient rarement à une parfaite maturité.
Dans nos climats tempérés, dès le mois de Mai la Nature re-
naiffante femble procurer une nouvelle vie à tout ce qui végété &
qui refpire : les arbres fe parent de feuilles nouvelles, une douce
verdure -couvre toutes les campagnes, 8c fes différentes nuances
offrent les tableaux les plus riants. Déjà les Oifeaux ont choili leur
compagne : ils égayent la Nature par leurs chants & parleurs jeux,
& font éclater leur allégreffe dans les buiffons & les arbres fleuris.
L ’Alouette au lever de l’aurore femble en donner le fignal : elle
s’élève jufqu’aux nues , faifant retentir l’air de fon ramage, 8c fe
précipite dans un inftant au milieu des fleurs dont les prairies 8c les
champs font émaillés. Tout s’embellit, tout infpire la joie & le
plailîr dans nos climats ; & la Nature n’offre dans le même temps à
Tobolsk, que les horreurs de l’hiver. AuJieu de cette verdure 8c des
fleurs qui répandent au loin l’odeur la plus agréable, la fonte fuc-
eeflïve des neiges forme & entretient des torrents dans les montagnes
: les uns fe précipitent dans les rivieres, les font gonfler , &
inondent les environs; d’autres parcourent cette vafte plaine, la
fillonnent dans tous les fens, & portent par-tout le défofdre 8c la
défolation. Alors la plaine, vue d’un endroit élevé, offre une nouvelle
mer formée tout-à-coup au milieu du Continent, Le Ciel eft
alors prefque touj ours nébuleux, les vapeurs qui ont formé ces nuages
retombent le plus fouvent en pluie ; d’autres fois en neige, ou fous
la forme de brouillards glacés , auxquels on craint d’autant plus de
s’expofer, que chaffés par des vents impétueux, ils font éprouver des
douleurs plus vives qu’un froid plus rigoureux. C ’eû dans l’alternative
de la pluie, de la neige 8c des brouillards, qu’on paffe çeçte
faifon de l’année. Le 4 de Juin la terre fut trois fois couverte de
neige, & trois fois elle difparut : mais bien-tôt le Soleil, en s’approchant
du Solftice , rendit l’air plus tempéré. Cet aftre eft alors
prefque toujours fur l’horifon : on peut lire à minuit avec la plus
grande facilité. Quoique la chaleur y foit d’une très courte durée ,
cependant dans ce petit intervalle les végétaux prennent tout-à-
coup leur accroiffement. Le 1 1 Juin le bled avoit déjà un pied
de hauteur : mais au-lieu des arbres fruitiers , qui croiffenc
prefque par - tout ailleurs , on ne voit dans ces campagnes ,
prefque défertes, que des fapins, qui paroiffent aufli vieux que la
Terre : leur forme, toujours la même, & leur fombre couleur, portent
la trifteffe dans lame la plus gaie. O n ne rencontre dans ces
bois folitaires que quelques malheureux Habitants qui y cherchent
des arbres de bouleau , auxquels ils font une incifion, pour en recevoir
la féve dans des vafes. Ils en font leur hydromel.
Je me fuis fouvent promené fur les bords de la riviere Jrthisz , à
la diftance deplufïeurs lieues de Tobolsk. J’efpérois parcourir des
payfages embellis par une multitude d’habitations : je n’ai trouvé le
long de cette riviere qu’une vafte plaine couverte du limon que les
eaux avoient dépofé avant de fe retirer , & des mares d’eau croupif-
fante , diftribuées de toutes parts. Leurs bords étoient couverts de
branchages morts, 8c de troncs d’arbres déracinés. Quoique vers la
fin de Juillet le terrein n’eût pas encore acquis aflèz de coniîftance
pour qu'on pût le parcourir fans danger, animé du délir de me procurer
différents Oifeaux que je ne connoiffois pas, je m’arrêtai quelques
minutes dans le même endroit ; mais trop occupé de moa
objet, je ne m’apperçus que le terrein avoit cédé infeniïblement,
qu après avoir tué d’un coup de fufil un de ces Oifeaux : je voulus
1 aller chercher; mais j’étois embourbé de façon que je n’avois pas
ïneme la liberté de me procurer le plus petit mouvement. Je ne fortis
de cet endroit qu’en me faifant un point d’appui de mon fufll. Je