dire qu’un marais qui formoit un pâturage excellent. Cette étendue
de terrein n’étoit prefque point cultivée, excepté dans les environs de
Pokro wskaïa & de Tumen, où j e vis principalement de très beau blé,
de l’avoine & quelque peu d’orge. L ’herbe croît avec la plus grande
abondance dans cette plaine immenfê. Je n’y trouvai que de petits
bois difperfésau milieu des marais ; ils étoient prefque tous de bois
blanc ; j’en rencontrai rarement de fapin avant d’arriver à Wolkava,
J’avois été obligé de m'arrêter dans ce hameau pour y faire raccom-
• moder mes voitures, La nuit étoit fi belle que je fis faire la halte
au milieu d’une efplanade ; mais malgré le grand feu qu’on allu-
ma, on y éprouva un froid très v if ; du givre couvroit la terre le
3 Septembre. Je partis à onze heures du matin ; je vis dans les
environs de Kofulina des pierres pour la première fois depuis
mon départ de Tobolsk ; elles annonçaient les montagnes. J’y
entrai en effet prefque en fortant du hameau ; le chemin devint
affreux. La nuit le rendit fi dangereux, que nous traversâmes ces
montagnes le plus fouvent à pied, malgré les flambeaux qu’on avoit
allumés. J’arrivai enfin à Ekatérinbourg le 4 Septembre à Une heure
du matin. Tout le monde étoit fi fatigué, qu’on paffa le relie de la,
nuit dans les voitures, fans en décharger aucune. Quant a moi , je
fis étendre mon matelas par terre dans la petite chambre où je me
trouvai. J’appris en même-temps que c’étoit le logement que le
Commandant delà Ville m’avoit deitiné, & que je ne devois pas
me flatter d’en avoir un autre. Il étoit cependant fi petit, qu’il n’e-
toit pas poffible d’y loger. Je m’étois propofé de relier quelques
jours dans cette Ville ; j’en avois fait prévenir le Commandant par
le Soldat qui me précédoit fur toute ma route , avec les ordres de,
l’Impératrice que je lui avois confiés. Us portoient qu’on me proGU-
reroit tous les fecours & toutes les commodités que je pouvois délirer
; & en effet j’avois été prévenu par-tout jufqu’à ce moment. Je
me levai 4e grand matin dans le delfein de m’inilruire des ufages du
Pays,
pays, avant de faire aucune vifite. J’envoyai un Soldat chez le
Commandant s’informer s’il feroit vifible dans la journée : il me fit
réponfe qu’il ne feroit pas chez lui. Cette réponfe, à laquelle je ne
m’attendois. pas, m’embarrafla beaucoup. J’étois muni de lettres
pour les principaux Habitants de la Ville; mais il convenoit que je
ne les ville qu après le Commandant, & ma lîtuation ne me per-
mettoit pas d attendre le jour où il feroit de meilleure humeur. Je
pris le parti d’aller chez lui pour remplir les devoirs auxquels je me
croyois obligé ; je fis enfuite mesvifites dans la Ville , bien réfolu
4 en partir immédiatement après, fi les Habitants étoient aulïi extraordinaires
que le Commandant ; mais j’en reçus, au contraire,
i.accoeuil le plus favorable & toutes les politefles polfibles. Je retournai
chez moi fort iàtisfait. Il étoit alors deux heures après midi ; depuis
la veille onze heures du matin, je n’a vois pris aucune nourriture
, non-plus que ceux qui m’accompagnoient, & il ne nous
reftoit que deux canards rôtis pour huit perfonnes. Je me dilpofois
à envoyer acheter des provifions en ville, lorfque j’en reçus de
toutes les perfonnes chez qui j’avois été ; & en un moment je me
trouvai dans ma chambre de dix pieds en quarré, avec deux moutons
qui nene/rojent de bêler, des oies, des canards, des poules.
Tous ces animaux failoient un fi grand bruit, que je fus obligé
daller dans la rue, pour lavoir le nom de ceux a qui je devois ces
bontés.
Un des Soldats prit aulfi-tôt un des moutons, l’emporta chez
une bonne vieille, ma voifine; & dans une heure environ, il fut
écorché, cuit, & mangé prefque en entier.
Je fus 1 après-midi remercier les perfonnes a qui je devois ces attentions
: les nouveaux accceuils que j’en reçus, éloignèrent toutes
les idees defavantageufes que j’avois conçues, àmonatrivée, des
Habitants de cette ville. M. & M e. Artibacherme comblèrent d’honnêtetés.
M. Artibacher, premier Confeiller.de.la Chancellerie,
TomeJ. Ss
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