dix. La différence extrême de ce froid eft de quarante degrés entre
Tobolsk & Ieniifeik , pendant que la différence de hauteur au
deffus du niveau de la Mer entre ces deux Villes, n’eft que de cent
foixante-dix-huit toifes, dont celle d’Ieniffeik eft plus élevée. Or
une fi petite différence de hauteur n’a aucun rapport avec la différence
du froid qu’on a éprouvé à Ieniifeik & à Tobolsk ; d’ailleurs
dans ce même hiver le froid fut moins v if à Tomsk de dix-huit
degrés qu’à Ieniffeik , quoique la Ville de Tomsk foit plus élevée,
puifque fa hauteur eft de deux cents foixante-dix-neuf toifes , &
celle d’Ieniffeik de deux cents quarante-fept toifes. Il n’eft pas nécef-
faire , je crois , de s’appefantir fur cette matière, pour prouver que
les petites différences qu’on trouve dans les hauteurs des endroits ci-
deffus, ne peuvent pas produite les grandes différences qu’on remarque
dans les froids rapportés par les Voyageurs.
Les difpofîtiohs locales, le fel qu’on trouve en quantité dans dit
férents endroits de la Sibérie, me paroiffent la vraie caufe des différences
des froids qui s’y font fenrir. Les obfervitions fuivantes en
font encore une nouvelle preuve.
Suivant les obfervations de M. Gmelin , rapportées page 9 1 , le
terrein n’eft pas dégelé à Jakutsk à la fin de Juillet. Il foupçonne
même qu’on ne trouve p s de fource dans cette contrée, parce que
la terre y eft perpétuellement gelée. On trouve à Argunskoi, quoiqu’à
peu-près fous le même parallèle que Paris, plufieurs endroits où
la terre ne dégele jamais à plus de trois pieds de profondeur , & on
peut confidérer .ces endroits comme des termes confiants de la glace.
Cette Ville n’eft cependant élevée que de cinq cents trente-une
toifes environ au deffus du niveau de la Mer. M. Bouguer a trouvé
le terme confiant de la glace au Pérou, à deux mille quatre cents
trente-quatre toifes au deffus du niveau de la Mer ( 1). Il eftime qu’il
( j) Figure de la Terre, page 48.
doit êtfe par le parallèle de Paris, à quinze ou feize cents toifes. C e
terme devroit être par conféquent le même à Argunskoi, puifque
cette Ville eft à peu-près par la même latitude. Cette obfervation
pourroit faire foupçonner que le terrein d’Argunskoi eft plus élevé
que je ne le fuppofe: mais il ne fa ut pas confondre le terme de la glace,
obfervé en Sibérie par M. Gmelin, avec celui obfervé au Pérou par
M. Bouguer : ils tiennent à des caufes bien différentes. Je ne crois
pas même que la Sibérie fourniffe des montagnes affez élevées, pour
qu’on y puiffe trouver le terme confiant dont parle M. Bouguer ;
& en effet, tous les Voyageurs qui ont traverfé les montagnes fituées
entre la Chine & la Sibérie, n’ont reconnu nulle part ce terme
confiant. Mais revenons à notre fujet. Le terme confiant de la glace
dont parle M, Bouguer , tient à la prodigieufe élévation des Corde*
lieres ; car on fait que le froid augmente à mefure qu’on s eleve dans
J’atmofphere, & M. Bouguer en donne les raifons. L ’air étant plus
fubtil & plus tranfparent à mefure qu’on s’éloigne de la terre, il
reçoit moins de chaleur par l’a£tion immédiate du Soleil,par la
facilité avec laquelle un corps très tranfparent donne paffage aux
rayons; au-lieu que vers la furface du Globe, l’air greffier doit être
plus échauffé par la feule aâion du Soleil. Cette chaleur augmente
encore par le .contail & par le voifînage des corps plus denfes que
celui qu’il environne , & fur Iêfquels il rampe, & par conféquent
l’air doit être moins échauffé que les corps plus denfes qui lui font
contigus. Si l’on expofe un thermomètre direilement au Soleil, &
un autre à l’ombre, le premier fe foutienc quelquefois en été quatorze
à quinze degrés plus haut que le dernier, Celui-ci marque l’état de
l’atmofphere, & le premier l’effet de l’aétion du Soleil fur la Terre,
qui lui eft expoféê immédiatement.
Ces courtes réflexions appliquées au terme confiant de la glace,’
ebfervé par M. Gmelin, prouvent avec la plus grande évidence,
qu’il n’a pas fa foùrce dans la grande "hauteur d’Argunskoi, & que
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