au Trône que la Régente avoit ufurpé ; leur ordonne de lui prêter
ferment de fidélité , & de la fuivre. Elle parloit à des Efclaves : ils
fe profternent, & fe joignent à fa petite troupe. Leftoc diftribue les
gens affidés dans les poftes les plus délicats,. & garde auprès de lui les
autres : il eft sûr de leur fidélité , parce qu’il fera toujours à portée
de les commander. Tous les. Gardes du Palais fe rendent au feul
commandement d’Elifabeth. Elle parvient enfin à la porte de l’A ppartement
de la Régente , qui étoit dans le plus profond fommeil :
elle avoit à fes côtés l’Empereur fon fils,.le jeune Iwan. Elifabeth
trouve pour la première fois, de la réfiftance : l’Officier de garde
préfente la baïonnette ¿ fe met non-feulement en devoir de défendre
l ’entrée, mais même menace de donner la mort à tous ceux qui ofe-
ront fe préfenter. Leftoc lui crie à l’inftant : Malheureux, que fais-
tu ? demande grâce à ïImpératrice. L ’Efclave trahit, fa Souveraine.
Elifabeth entre dans l’Appartement avec là fuite. La Régente
s’étoit éveillée au bruit qu’elle avoit entendu.. La Princeiïè Elifabeth
l’aborda la premíete. He quoi ! c’ejlvous, Madame, dit la Régente.
Elle fut arrêtée aulfi-tôt, tranfportée hors du Palais avec le petit
Iwan fon fils , & conduite dans la maifon de la Princeiïè, avec les
mêmes traîneaux qui avoient amené fa rivale. Elle y fut? gardée foi-
gneufement. Elifabeth fur le Trône de fes Peres, ordonne dans le
Palais en Souveraine , 8c tout lui obéit. Pendant ce temps Leftoc
envoie des Soldats affidés arrêter Munie & Ofterman. Quelques
heures font à peine écoulées depuis l’inftant que la PrincefTe Elifabeth
eft fortie de fa maifon, que la Régente eft détrônée. Tous les
gens fufpeéfcs font arrêtés ; & cinq à fix mille hommes prêtent ferment
de fidélité à la Princeiïè Elifabeth , déterminés à égorger la
Régente & leur Empereur, fi Elifabeth l’ordonne , ou à l’égorger
elle-même , fi la Régente peut commander un inftant. Le bruit de
l ’avénement de la Princeffe Elifabeth au Trône commençoit cependant
à fe répandre : mais les perfonnes qui annonçpient cette nou-.
velle dans le Public, étoient regardés comme des gens dangereux ;
011 les fuyoit fans leur répondre.
Leftoc avoit tout prévu. Pendant qu’il eonduifoït au Trône fa
Souveraine, on imprimoit le Manifefte qui proclamoit Elifabeth
Impératrice ; 8c le Soleil parut à peine fur l’horifon, qu’elle fut reconnue
dans la Capitale, & bien-tôt par toute la Nation.
La Régente, renvoyée d’abord dans fes Etats avec fon fils, étoit
déjà à Riga lorfqu’elle fut arrêtée d’après de nouveaux ordres. Reconduite
à Saint-Pétersbourg, on l’enferma pour toujours, ainfi que
fon fils. Munie 6c Ofterman furent exilés en Sibérie ; 8c dans cette
révolution du y au 6 Octobre 1741 , il n’y eut pas une goutte de
fang répandu. L ’Impératrice Elifabeth régna jufqu’en 1 7 6 1 , tour-,
mentée fouvent par la crainte d’être détrônée à fon tour. EUe fit
venir fon neveu, Duc de Holftein,, 8c lui fit époufer une Princeffe
d’Anhalt-Zerbft.
LeftoC, attaché à fa Souveraine dès l’enfance de cette Princeffe ,
jouiffoit de lâ rare faveur d’en être chéri fincérement, quoiqu’il lui
eût mis la Couronne fur la tête. Il eft fait Comte de l’Empire , &
époufe une des Filles d’Honneur de l’Impératrice. Sa Majefté ne ceffe
de le combler de bienfaits : mais au moment qu’il a le plus grand crédit,
Beftuchef, fon ennemi déclaré, fin & rufé , fait éclater une
trame qu’il ourdiffoit depuis long-temps. Il obtient de la foibleflè
de L’Impératrice Elifabeth, de faire arrêter Leftoc & fa femme. Ils
font envoyés en exil en Sibérie, & tous leurs biens font confifqués.
Beftuchef à fon tour eft exilé de même. La Cour de Ruffie paroît à
l’extérieur plus tranquille pendant quelque temps : mais dans l’intérieur
l’envie , la jaloufie , la méfiance parcourent ce vaftë Palais.
Le Grand-Duc ne vit plus avec fa femme. La Princeffe d’Anhalt-
Zerbft , née dans un Pays libre, 8c élevée au milieu des Mufes 8c
des A rts, n’eft point abattue par cette difgrace. Son génie 8c desi
connoiffances-acquifes lui procurent les plus grandes reffources. EUe