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 de France. M. Tourchemin a l’entreprife de ces Salines. Feü M. de  
 Showalow  en avoit la régie en  i j 6z .   Ces deux premiers payes,  le  
 relie  doit  entrer dans les coffres  de l’Impératrice.  Jé m’informai de  
 la raifon pour laquelle on ne fe fervoit que de deux chaudières,  on  
 me répondit que  le  bois commençoit à manquer.  On le fait  venir  
 de  cinquante werits,  ou  de  douze lieues de France ,  par  la riviere  
 Kama. 
 Je trouvai dans ces Salines des Habitants du Pays qui y prenoient  
 les bains,  de la même maniéré que je l’ai décrit en parlant des bains  
 ordinaires. Ils en fortirent  au bout de  quelque temps tout nuds ; &C  
 quoiqu’en fueur, ils  furent fe rouler dans la neige. 
 La  petite Ville  de Solikamskaïa n’offrant  rien d’intéreffant que  
 fes Salines  &  fes Fonderies, j’en partis  le  z  Avril à trois heures: du  
 foir, pénétré  des  politeffes  des  gens  de  M.  Dimidof.  Je  trouvai  
 prefqu’auifi-tôt  les  montagnes  des  Monts  Poias  (  i  )  :  elles  forment  
 une  chaîne  qu’on doit coniidérer  comme une branche  de  la  
 grande  chaîne  du  Mont Caucafe.  Celle des Monts Poias part  du  
 m id i,  6c  fépare  l’Afie de l’Europe ,  jufqu’à  la Mer Glaciale.  Les  
 montagnes de  cette chaîne font  très petites ,  n’ayant que cinquante  
 a  quatre-vingt  toifes  de  hauteur communément  : mais les rampes  
 en font très rapides ; elles font toutes couvertes de bouleaux , de pins  
 &   de fapins. Les chemins y étoient affreux,  &  d’autant plus dangereux  
 ,  que les nuits les plus obfcures m’expofoient à chaque  inftant  
 au danger d’être abîmé dans la neige , qui eft très fujetteà s’ébouler.  
 Je  courois les plus grands rifques ,  lî je me fuffe écarté de quelques  
 pieds du chemin battu.  Ceux qui m’accompagnoient,  & les Poftil-  
 lons, me  confeilloient  de  ne  pas  voyager  de  nuit  : mais le vent 
 (  i )  Ou Poias  Zemnoi. 
 ayant tourné au fud,  le  froid  avoit  diminué  tout-à-coup  :  le  thermomètre  
 ne defcendoit plus que  de deux degrés  au deffous de o , &  
 remontoir l’après-midi jufqu’à trois degrés au deffus ;  ce qui me fai-  
 foit craindre le dégel.  Cet  inftrument étoit cependant le  feul indice  
 qui en annonçât les approches. Des fapins de la plus grande hauteur  
 paroiffoient  accablés fous  le  poids de la neige :  la terre en étoit_cou-  
 verte  par-tout de  plus  de  fept pieds  d’épaiffeur. Nul Oifeau n’an-  
 noncoit le retour  de  la  nouvelle faifon  : les Pies &   les Corneilles,  
 qu’on trouve en quantité fur les routes dans toute la Ruilie,  avoient  
 même  abandonné  ces  déferts  :  la  Nature y  paroiffoit  comme  engourdie. 
   On  reconnoifloit  à la  feule  trace  des  traîneaux ,  que ces  
 lieux  étoient habités.  Une  fombre  trifteffe  régnoit  par-tout,  &  le  
 lilence ne ceffoit que par les cris de quelqu’un de nous, dont le traîneau  
 avoit été renverfé, & qui demandoit du fecours. 
 Les  Habitants y  font  enfermés  dans  leurs  chaumières pendant  
 neuf mois de l’année, &  n’en fortent prefque pas de tout l’hiver. La  
 neige paroît dans ces montagnes au commencement de Septembre,  
 & bien-tôt la quantité  qui en tombe efface prefque  tout veftige d’habitation. 
 Les Habitants font alors obligés de fe frayer des paflages à travers  
 des tas  de  neige que les vents y  ont formés  :  le dégel y  commence  
 plus tard que dans la plaine ; il n’a lieu ordinairement dans les montagnes  
 que  vers, la fin d’A v r il, &  la neige ne  difparoît  totalement  
 que dans les derniers jours de Mai  : ainfi ils ne jouiffent qu’environ  
 trois mois des douceurs de l’été. O n  y  feme cependant dans ce court  
 efpace,  dufeigle,  de l’avoine,  de l’orge, & des pois qu’on recueille  
 vers la fin d’Août : mais ces grains parviennent rarement à une parfaite  
 maturité. O n  fume les  terres dans ces montagnes. 
 J’arrivai à Rofteff le  3  à  minuit,  très  fatigué  des  feeouffes de  
 mon traîneau, & des culbutes perpétuelles que j’avois faites. N ’ayant  
 pas trouvé  de chevaux dans cet endroit,  je fus obligé de continuer