La même Ville abonde en Fontaines falées : on en compte plus
de foixante. Malgré cette quantité de Fontaines, on ne fait ufage
que de deux chaudières : la première forme un quarré de trente
pieds fur deux de profondeur environ ; la deuxième eft un peu plus
grande (1).
Ces deux chaudières font placées dans différents bâtiments fîtués
a cinquante toifes des fources des Fontaines : on éleve l’eau falée
dans un refervoir, par le moyen des pompes que des chevaux font
jouer : des tuyaux de plomb, foutenus par des fupports de bois, con-
duifent ces eaux jufqu’aux bâtiments où font les chaudières. Tous
ces bâtiments etoient dans le plus grand délabrement : j’en fus d’autant
plus etonne, qu ils font de bois, & qu’il eft affez commun dans
le Pays. Il m a paru qu on étoit plus occupé du produit de ces Salines
que d’en faire les réparations.
On fait une cuiffon dans quarante-huit heures : elle produit communément
cinquante facs de fe l, & le fac contient quatre poudès :
chaque cuite produit donc deux cents poudes ( i ) , ou foixante-fix
quintaux de France. En fuppofant cent quatre-vingt-deux cuites par
(i) Selon M. Isbrants-Ides, Tome VIII du Recueil des Voyages au Nord, page 9 ,
Solikatnskaïa eft une grande Ville très commerçante : elle eft fur-tout célébré par !Tes
Salines , qui occupent pendant toute l’année cinquante chaudières, dont les moindres
ont dix toifes de profondeur. Il s’y fait une grande quantité de fel, que l’on tranfporte
fur de grands Vaiffeaux qui ne fervent qu’à cet ufage. Ces Bâtiments ont feize à dix-
huit toifes de longueur, portent fept à huit cents hommes d’équipage , & cent ou cent
vingt mille poudes, c’eft-à-dire huit cents ou mille tonneaux.
Le nombre des chaudières a pu être plus çonfidérable autrefois : mais il eft abfurde
ide leur donner dix toifes de profondeur. Il n’y a point à Solikamskaïa de riviere capable
de porter un Bâtiment de mille tonneaux, & jamais on n’y a employé huit cents hommes
d’équipage pour conduire du fel. La Kama dans cet endroit eft un peu plus confi-
dérable que la Seine lorfqu’elle eft haute. On emploie fur cette riviere des bateaux fem-
blables à ceux qu’on voit à Paris, feulement un peu plus longs.
(i) La poude égale quarante livres de Ruifie, & trente-trois livres de France.
an , & la poude de fel fe vendant cinquante kopykkes ( 1 ) , cette
chaudière produirait dix-huit mille deux cents roubles par an, ou
quatre-vingt-onze mille livres de France, produit de douze mille
douze quintaux de France.
On n’emploie que fix hommes à une chaudière ; autrefois il ÿ
en avoir dix : le premier a treize kopykkes par jour ; parmi les cinq
autres, les uns en ont dix , les autres huit : les fuppofant à neuf, la
dépenfe journalière pour les Manoeuvres eft donc de cinquante-huit
kopykkes par jour, & de deux cent onze roubles par an.
O n confume par cuiffon dix toifes quarrées de bois ( la toife eft
égale à trois archines & demi ) , la toife quarrée de bois coûte trente
kopykkes, Si les dix toifes trois roubles ; la dépenfe du bois eft donc
de cinq cent quarante-fix roubles par an.
Chaque Saline a quatre & fix chevaux : fuppofons-en cinq , ils
coûtent chacun vingt kopykkes de nourriture par jour ; ce qui fait
une dépenfe annuelle de trois cent foixante-cinq roubles pour la
nourriture des chevaux. Suppofons fix autres hommes pour avoir foin
des chevaux , des pompes, & leur paye à fix kopikkes, Quoiqu’on
puiffe regarder comme nulle la dépenfe de l’entretien des bâtiments ,
par le mauvais état où ils font, je la fuppoferai de deux cents roubles.
L achat des chevaux eft de iept a huit roubles ; 8c comme il n’en
meurt pas tous les ans, cette dépenfe ne ferait jamais de dix roubles
par an. Suppofons-la de cent, à caufe de l’entretien des harnois ; la
dépenfe de l’exploitation de ces Salines n’ira jamais au-delà de feize
cents roubles ; ou huit mille livres argent de France. Le produit eft
de dix-huit mille 'deux cents roubles, ou quatre-vingt-onze mille
livres argent de France. Cette premiere chaudière produirait donc
de net feize mille fix cents roubles, ou quatre-vingt-trois mille
livres argent de France, & le? deux chaudières produiront plus de
(0 Un kopykke vaut environ un fou de notre monnoie.
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