
 
        
         
		des éclats de bouleau, qu’ils appellent louchines ;  ils les font d'abord  
 fécher fur le poêle, & les fichent entre les poutres pour éclairer,  ou  
 ils  les  placent  fur  un  trépied  :  les  .vieillards  font  ordinairement  
 chargés de  cet  ouvrage, &  d’en  fubftituer d’autres à mefure que les  
 premiers fe confument. Cet ufage fe pratique dans toute la Ruihe. 
 Leurs maifons font de bois,  & n'exigent pas beaucoup  d’architecture  
 :  ils  fe  contentent  de faire  des  entailles  aux  extrémités de  
 chaque poutre, afin qu’elles puiiTent s’emboîter folidement les unes  
 fur les autres. Le peu d’attention qu’ils apportent à les écarir eft caufe  
 qu’elles laiflent  des  intervalles  entr’elles , qu’ils remplilfent avec de  
 la  mouife,  pour  empêcher  la  communication  de  l’air  extérieur.  
 Après  avoir  élevé  le bâtiment  de  douze à vingt  pieds,  ils  le  couvrent  
 avec des planches. Dans  les maifons  qui  ont deux.étages,  le  
 bas  eft pour les beftiaux,  & le deuxième eft divifé en deux parties ;  
 l’une pour  le laitage,  les provifions, &  l’autre pour la famille. On  
 trouve dans ce dernier un poêle,  qui en occupe près d’un quart :  il  
 eft  ordinairement  de  brique,  &   relfemble à  nos fours ordinaires,  
 avec  cette différence qu’il  eft plat,  & qu’il n’a point de cheminée :  
 pour y remédier,  ils font communément au plancher une ouverture  
 de fix pouces environ , qu’ils peuvent ouvrir  ou fermer  à  volonté,  
 par  le  moyen d’une  foupape.  Malgré  la  rigueur des hivers, ils ne  
 font du feu dans leur poêle qu’une fois par jour,  & c’elt le marin ,  
 vers fept  à huit heures. A  peine  le  feu elt-il allumé , que l ’appartement  
 fe  remplit  de  fumée  ,  la foupape  étant  fermée dès la veille.  
 Cette fumée devient fi confidérable,  quelle forme une nuée qui fe  
 foutient â la hauteur de deux pieds ou deux pieds 8c  demi  audeifusdu  
 plancher : il faut  alors que les Habitants  foient aifis fur le plancher,  
 ou qu’ils marchent tout  courbés ; la fumée eft d’une telle épailfeur,  
 qu’une  perfonne debout y feroit bien-tôt étouffée.  Cette pratique ,  
 qui pourra d’abord paroître bizarre, eft cependant fondée  : la fumée  
 ne peut fe repandre, & fejourner long-temps dans  ces  chaumières, 
 e  n  S  î  b  é  r   i  e.'  43 
 iàns en augmenter  confiderablement  la chaleur ;  auflî après que  le  
 bois eft confumé, & qu’il ne refte plus qu’un brafier,  ils ouvrent la  
 foupape,  trois heures environ après que le feu a été allumé :  la fumée  
 fe diilipe promptement, & on referme auïïî-tôt la foupape, jufqu’au  
 lendemain, pour  empêcher  toute  communication  avec  l’air  extérieur. 
  La chaleur eft fi confidérable, que la liqueur fe foutient le matin  
 dans le thermomètre de M. de Réaumur à trente-fix & quarante  
 degrés, chaleur prefqu’auifi  infupportable pour un Etranger,  que la  
 rigueur  du froid de I air extérieur.  La chaumière  conlerve toujours  
 jufqu’au lendemain,  un  degré  de chaleur confidérable ; le  thermomètre  
 eft à feize & dix-huit degrés  au deffus du tempéré. 
 Tous  leurs meubles  confiftent  dans  des bancs  placés autour  de  
 leurs chaumières ,  quelquefois  une petite  table, quelques uftenfiles  
 de bois &   de terre, pour préparer leur nourriture; ils la préparent fur  
 le devant du four avec le brafier qui refte après la confemmation du  
 bois. C e font  toujours les femmes qui  font chargées de ce foin  :  les  
 hommes  s’occupent à faire les traîneaux, les  filets pour la pêche, &  
 autres  inftruments  pour  la  chaffe des  animaux qui fourniffent à la  
 Ruifie fes belles pelleteries. 
 Tous ces Habitants m’ont para  attachés à la Religion Grecque ,  
 jufqu au  fanatifme  :  ils font fi rigides  pour  les  jeunes  du Carême ,  
 qu’ils les font  obferver aux  enfants de  deux  ou  trois ans;  &  ils ne  
 s ecartent jamais de ce devoir,  lors même qu’ils  commettent  les plus  
 grands  crimes. 
 Chaque  famille  a dans  fa maifon une petite Chapelle,  où eft le  
 Patron de la famille :  ils le regardent comme le Dieu  tutélaire de la  
 .chaumière ; ils n y entrent, ni n’en ferrent jamais fans faire des lignes  
 de croix pendant plujîeurs minutes,  en s’inclinant &  adreffant quelques  
 prières  au  Saint.  Je vis un  jour  un  de  ces Payfans,  qui dans  
 1 enthoufiafrne  de  fes  inclinations  fe  donna  contre  un  poteau  un  
 coup  de  tete fi violent,  que  fen  vifage  fe  couvrit auffi-tôt  d’une 
 F ij