La Sorbonne propofa au Czar en 1 7 1 7 , la réunion de l'Eglife
Grecque avec l’Eglife Latine. O n fait tout ce qui s’eft paffé à ce
fujet. Si cette Société n’a pas réuifi «fans fes vues, au-moins s’eft-
elle acquis parmi le Clergé de Ruffie une fi grande vénération, qu’il
croit qu’on ne peut être inftruit en France fans être Membre de cet
illuftre Corps, *
Il feroit bien avantageux que la eonfidération dont cette Société
jouit en France , rejaillît fur ceux qui fe dévouent à l’éducation de
la Jeuneffe. Les Ruflfes ont les plus grands égards pour les Gouverneurs
& les Précepteurs : ils les confiderent comme les peres de leurs
éleves. Si l’éducation n’a pas en Rulfie tout le fuccès qu’on devrait
attendre de cette conduite , ç’eft que l’amour de la gloire &
de la vertu ne peut germer qu’au fein de la liberté.
La NobleiTe n’entre jamais en Ruffie dans le Sacerdoce : on n’y
connoît point de tiers Etat. Le Corps Eccléfiaftique eft donc corn-
pofé en entier, de perfonnes du Peuple, ou d’enfants de Prêtres,
fouvent plus corrompus ; les uns & les autres n’ayant reçu aucun
principe d’éducation , l’ignorance & la dépravation des moeurs du
Clergé de Ruffie, font dans l’ordre des effets moraux, Sa puiffançe
n’a été abfolument dangereufe que du temps de la primitive Eglife,
Il étoit alors mieux compofé, & toute la Nation etoit dans }a plus
grande ferveur ; cette ferveur n’exifte plus que dans le Peuple.
Les biens du Clergé s’étant accrus, & n’ayant jamais été expofés
avant Pierre I?r, aux révolutions de ceux des Particuliers, le.Clergé
eft devenu plus opulent que la plus grande partie des Nobles. Le
zele de la Religion ayant diminué dans ceux-ci, ils ont vu jouir avec
peine les Moines, des biens immenfes qu’ils avoient acquis fouvent
par la confifçation de ceux de leurs ancêtres. Dès-lors le Clergé, au-
lieu d’avoir un foutien dans çe Corps de l’Etat, a frouyé des en?
nemis dans toute la Nobleffe. Pierre Ier ofa affoiblir le grand pouvoir
des Eccléfiaftiques : il fupprima la dignité de Patriarche ; &
ne détruifit point la Religion qu’il refpeétoit, ni fon pouvoir fur
les Peuples, en attaquant la.fuperftition & les abus. Il avoit formé
le projet de diminuer les revenus des Moines, Sc de les ramener
à leur première inftitution. Il donna à ce fujet l’Ordonnance
fuivante.
O R D O N N A N C E D E P I E R R E 1«,
S U R L ’ I N S T I T U T I O N D E S M O I N E S E T L E U R R É F O R M E ,
envoyée au Synode le 31 Janvier 1714 .(*)« j -,
oui verrez par ce qui fuir, les Règlements que flous avons établis concernant lesMo-
nafteres, les raifons qui nous y ont déterminés , & ce que nous avons expofé au Public
dans notre Déclaration à ce fujet. Avant toutes chofes il faut établir quelle eft l’origine ,
le bue de l’état Monaftique , Sc quel fut le genre de vie des anciens Moines ; ce qui
nous mettra à même de procéder à la réforme des nouveaux, pour rendre leur v ie , ainii
que l’adminiftràtion Sc l’emploi de leurs biens, conformes à leur première inftitution.
On a déjà preferit dans le Règlement Eccléfiaftique quelques réglés fur les Moines t
mais on ne s’eft point allez étendu fur cette matière importante. Il étoit alors bien plus
nécelîàire de régler ce qui cbncernoit le pouvoir des Evêques, que quelques-uns d’eux, à
l’exemple du Siege de Rome, cherchoient toujours à augmenter, contre la volonté ex-
prene de Dieu. Notre delfein ayant, grâce au Ciel, pleinement réufti, malgré les obfta-.
des que les perfonnes véritablement zélées pour la vérité ont eu à furmonter ; Sc nous
voyant préfefltemént le loifir de régler toutes les affaires de notre Empire , nous nous
croyons obligés de fixer d’une maniéré plus précife ce qui regardé l’état Monaftique, au-
tanc dans les vues du falut éternel, que pour le bien de la Société.
En premier lieu , le Saint Synode fe fouviendra qu’il a déjà réfuté par des raifons convaincantes
cette fauffe opinion répandue dans toute notre Nation, qui fonde l’origine de la
vie Monaftique fur ces paroles de J. C. : Celui qui abandonne fon pere &famere, &c. Vous
avez ,fait voir que cette interprétation doit être attribuée aux Hérétiques j & vous avez
(V) Cette Ordonnance m’a été communiquée par M. de **■ Il l’a traduite à Samt-Pétersbourg, fur l’original
Rufle. Je la rapporte ici telle qu’on me l’a communiquée.