deftruétion des Forts que les Ruffes avoient fait bâtir fur les bords
de la riviere Irty fz : ces Ambaflàdeurs de retour à Tobolsk, y apprirent
que leur Nation n’exiftoit plus.
Suivant la relation des Ruflès, Amour-Saman n'entra point en
Sibérie ; il fe réfugia fur les frontières de cette Province ; il y fut
aufli-tôt attaqué de la petite vérole , dont il mourut. Il avoit été
joint par fa femme Bitei, qu’on a vu à Saint-Pétersbourg en 1761.
Elle étoit fille de Galdan-Teheren ; elle avoit époufé en premières
noces lchidangin, frere aîné d’Amour-Saman , dont elle avoit un
fils qui s’appelloit Pountfouk.
Mais on ignore pourquoi la relation RuiTe palfe fous filence le
long féjour que l’infortuné Amour-Saman fit à Tobolsk ; il y a été
enfermé très long-temps dans la maifon de campagne de 1 Archevêque.
. J'ai recoeuilli dans ce Pays une partie de leurs Idoles, j'en ai eu
la Mythologie par le moyen des Ambafladeurs Calmouks ; Sc je
puis ajouter quelques connoiflances à celles que nous avons de la
Religion de ce Peuple. Les lumières que j’ai acquifes fur ces objets
me parodient certaines , parce qu’à mon retour à Saint-Peters-
bourg, j’y trouvai un Lama ou Prêtre Calmouk : il fervoit d interprète
dans le Collège des Affaires étrangères. Je parvins par le
•canal de M. de Voronzof, Grand Chancelier de Rulüe, de eonfta-
ter avec cet Interprète, la vérité de ce que j’avois appris à Tobolsk
fur la Mythologie des Idoles des Calmouks & fur leur Religion.
Cette vérification fe fit chez M. le Comte de Woronzof, en pre-
fence de ce Miniftre , de M. le Comte de Merci , Ambaffadeur
de l'Impératrice Reine , & de M. le Baron de Breteuil, Miniftre
Plénipotentiaire du Roi de France. Ces Miniftres, aulfi inftruits
que curieux , avoient déliré d’acquérir de nouvelles connoiffances
fur ces objets.
Celles que je me procurai par le moyen de cet Interprète, fe
trouvèrent
trouvèrent abfolument conformes à celles que j’avois eues des
Ambaffadeurs Calmouks. Je m’étois lié avec eux dans le deffein de
m’inftruire, je n’y voyois aucun inconvénient ; ces Ambaffadeurs
etoient d’ailleurs des plus aimables. Quoiqu’ils euffent confervé la
fierté Tartare au milieu de leur infortune , ils fe livrèrent avec
le plus grand zele à l’empreffement que je leur témoignai de me
lier plus intimement avec eux ; mais M. le Gouverneur en ayant
été informé, défendit, fous les plus grandes peines, à l’Interprète
qu’ils avoient auprès d’eux, de fe prêter à notre Correfpondance.
Elle ne dura que fept à huit jours, & je n’ai jamais.été à portée dç
les revoir.
La Religion des Calmouks -Zongores eft la même que celle du
Tibe t, dont le Dalai Lama eftle fouvërain Pontife. Cette Religion,
eft fort étendue; elle s’eft répandue dans l’Inde , la Tartarie ôç
la Chine : elle afouffert cependant quelques changements dans ces
différents Etats, fuivant les intérêts des Princes, & des Lamas ou
Prêtres. La Mythologie des Idoles que j'ai apportées, peut répandre
du jour fur cette matière intéreffante ; mais il eft néceffaire de donner
d’abord une idée de cette Religion, qui paroît être la même
que celle de la Seéie de Fo parmi les Chinois.
» Le Dalai Lama eft l’image vivante du Dieu que les Chinois ap-
« pellent F o , & les Lamas La {1 ). Fo étoit un Prince qui naquit
» 1 o z 6 ans avant Jéfus-Chrift, & qui régna dans une partie de l’Inde',
» que quelques-uns nomment Chang-tyen-cho. Il fe fit paffer pour
» Dieu, qui s’étoit revêtu de la chair humaine. Ses Difeiples préten-
v dirent, à fa mort, qu’il n’avoit difparu que pour un temps, & qu’il
■» reparoîtroit bien-tôt. Ils publièrent en effet fa nouvelle appari-
(1) J’ai pris cet Extrait dans le Toine VII de l’Hiftoire.générale des Voyages de
^1. l’Abbé Prévôt.
TçmçJ. P p