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 Le ciel étoit parfaitement ferein depuis quelques  jours,  &  favc>  
 riibit mon deflfein.  Je fus voir , la veille, M. &  Me Artibacher ;  je  
 les priai  de  venir voir,  le  jour  fuivant,  la Lune  &   Jupiter qu’on  
 voyoit à fept heures du foir  :  j’engageai en même temps Me. Artibacher  
 d’amener avec elle fes amies & toutes les perfonnes de laVille  
 qui  étoient  de  là  connoiiïànce.  Je me  propofois,  par  cette conduite  
 ,  de  lui faire  connoître que cette  petite fête étoit  pour  elle ;  
 j’étois cependant bien aife que les principales perfonnes  de  la Ville  
 s’y trouvaflènt, mais je n’en voulois prier aucune. 
 La ville  d’Ekaterinbourg eft habitée par  beaucoup d’Etrangers ,  
 principalement d’Allemands :  les  moeurs  &  les  ufages  ont  dès-lors  
 moins de rapport à  ceux  des Ruffes que dans  les autres endroits  de  
 la Sibérie, où il n’auroit pas été poiïible  de donner cette petite fête,  
 parce que  les femmes  y font trop  gênées. 
 Me.  Artibacher  vint  à  l’heure  marquée  avec  une  nombreuie  
 compagnie  en  femmes  feulement.  Je  la conduiiis  à  l’endroit où  
 j’avois difpofé une  lunette  :  il  étoit  fort éloigné  de  la maifon,  afin  
 que  tout  pût  s’y difpofèr  fims  qu’on  s’en apperçût.  Les  hommes  
 vinrent  nous joindre auifi-tôt.  Etant  inftruit qu’il étoit nécelfaire,  
 dans toutes ces fêtes, d’avoir des Muficiens , j’en avois fait aflembler  
 un  certain nombre.  O n  vint m’avertir lorfque tout fut prêt ;  alors  
 je  priai Me. Artibacher &   fa compagnie  de  venir  fe  repôfer chez  
 moi : on y  vint en effet, & la mufique annonça leur arrivée. Toute  
 l’aflemblée paflà dans l’appartement où étoit le fouper, &  fa furprife >  
 me  fit  connoître  que  le  fecret  avoit  été  très  bien  gardé. N ’ayant  
 prié  que  Me. Artibacher,  je  la  quittai  pour .faire  entrer  tout  le  
 monde,  dans  la  crainte  qu’on ne fe  retirât.  L ’aifemblée fe trouva  
 cependant plus nombreufe  que  je  ne  l’avois  cru ,  &  il n’etoit  pas  
 poifible que tout le monde fe mît à table.  Je  propofai aux hommes  
 de fervir les femmes,  qui feraient les feules  à table,  ainfi  que cela  
 fe  pratique en Europe.  Quelque  extraordinaire  que parût d’abord