cette caufe eft abfolument différente de celle qui produit le terme
confiant de la glace aux Cordelieres : car alors O 7 la Terre feroit à Afgunskoi
couverte perpétuellement de neige &c de glace à fa furface,
ainfï qu’au Pérou : le froid augmenterait à mefure qu’on s’élèverait
dans l’atmofphere, & tout le contraire arrive. On ne trouve à Ar-
gunskoi la glace qu’à trois pieds de profondeur. Le terrein ell parfaitement
dégelé à fa furface. Le climat eft même affez temperé dans
quelques endroits, puifque les végétaux y prennent leur accroiffe-
ment. Nerczinsk, quoique fous le même parallèle, & à quinze lieues
feulement au Nord-Oueft, offre un climat tempéré & des plus fertiles.
Il eft cependant plus élevé de quelques toifes qu’Argunskoi. La
caufe du terme confiant de la glace en Sibérie eft donc différente de
celle du Pérou ; elle n’indique donc pas une grande hauteur, & c’eft
une erreur d’attribuer les froids énormes de k Sibérie à la prodi-
gieufe hauteur qu’on fuppofe mal-à-propos au terrein de cette contrée.
Ces froids énormes font fans doute occafionnés parles fels qu’on
trouvç dans la Sibérie ; auffi en trouve-t-on en quantité dans les
environs de Solikamskaïa, à Ieniffeik, à Irkutsz, dans le Baraba.
C ’eft donc à des caufes locales & particulières qu’il faut attribuer les
froids dont on a parlé. Le défaut de culture entre encore dans le
nombre des caufes générales. A mefure qu’on s’approche de l’E ft ,
le terrein devient dépeuplé, inculte & défert. On ne trouve que
des fofêts immenfeS', qui empêchent l’action du Soleil fur la furface
de la Terre , des marais & des Lacs, dont les eaux abforbent les
rayons du Soleil , & en réfléchiffent très peu. Les hommes par la
culture des terres influent eonfidérablement fur les climats.
Les hommes vivent cependant en Sibérie, quoiqu’expofés fou-
vent pendant plufieurs minutes à des froids qui font defcendre le ther,
momètre de M. de Réaumur à foixante-dix degrés. Ils éprouvent dans
les bains une chaleur qui le fait monter à foixante degrés..M. Tilles
¡1 fait voir qu’une femme avoit fupporté en France pendant dix mi-,
nutes un degré de chaleur qui faifoit monter le même thermomètre
à. cent douze degrés (1). O n croyoit, d'après M. Boerhaave, que
les hommes ne pouvoient pas fupportêr un degré de chaleur de cinquante
quatre degrés, & que les animaux & les végétaux dévoient
périr à un froid au deffous de trente-quatre degrés. O n a encore été
long-temps perfuadé qu’on ne pouvoit pas produire un froid artificiel
plus grand que celui de trente-deux degrés ; & M. Braun, de
l’Académie de Saint-Pétersbourg, a congelé le mercure par un
froid de quatre cents foixante-dix degrés au thermomètre de M. De-
lille , qui répondent à cent foixante-dix degrés de celui de M. de
Réaumur (z).
Ces vérités font voir le progrès de nos connoiflànces dans la
fcience des faits, & femblent nous rapprocher de la connoiffance
des caufes premières, qui cependant nous feront peut-être toujours
inconnues.
(1) Volume de l’Académie des Sciences, de l’année 1764, page 195 des Mémoires.
(1) DilTertation de M. Braun fur le froid artificiel, imprimée à Saint-Pétersbourg enj
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