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 dant peu avec  elles au-delà de Mofcou ;  ils  palTent  la  plus grande  
 partie  de la journée à boire, &  rentrent  chez  eux  communément  
 ivres.  Les  femmes  fortent  peu  : elles vivent  feules dans  l’intérieur  
 de leur maifon,  livrées à l’ennui &  à l’oifiveté,  fource de la corruption  
 de leurs moeurs. 
 O n   n’y  conno'it  point  cet  amour  délicat, appanage des ames  
 fenlibles,  dont la vertu la  plus févere ne peut pas toujours fe défendre. 
  U n  amant n’y jouit jamais de cet état enchanteur que fait fentir  
 la  volupté,  de devoir  à  fes foins  &  à l’excès  de  fon amour , l’embarras  
 ,  le  trouble  &   l’égarement d’une amante, qui voudroit être  
 vertueufe.  Ces  iituations font inconnues en Sibérie &  dans la  plus  
 grande  partie de la Ruffie, où les moeurs  policées  du refte de l’Europe  
 n’ont pas encore pénétré. Dans ces contrées barbares,  les hommes  
 tyrannifent leurs femmes,  qu’ils  regardent &  traitent comme  
 leurs premieresEfclaves, & en exigent les fervices les plus vils :  ils les  
 obligent dans leurs fiançailles, de leur préfenter une.poignée de verges  
 en  grande  cérémonie, &  de tirer leurs bottes, pour preuve de  
 la fupériorité du mari, &  de la fervitude de  la femme. Àbufant plus  
 que par-tout ailleurs, du droit du  plus  fort,  ils ont  établi les Loix  
 les plus  injuftes , Loix  que  la beauté &  la douceur de  ce fexe n'ont  
 encore pu ni détruire ni  adoucir.  D ’après  un  pareil traitement,  il  
 n’eft pas  étonnant qu’on  n’y  trouve pas la délicateffe de fentiments  
 des  Pays  policés.  Il fuffic quelquefois  d’être  téméraire,  pour  être  
 heureux, fi l’on peut l’être en pareil cas ; cependant l’occafion ne s’en  
 trouve  pas  fouvent.  On ne  voit  communément les  femmes qu’en  
 préfence  de leur mari ;  &  fi  on leur marque des foins & des attentions  
 , on court rifque  de n’être plus à portée de les revoir. 
 J’ai vu  à  Tobolsk des  Etrangers,  qui y  étoient depuis le  commencement  
 de la  derniere  guerre.  Ignorant  les ufages  du Pays, ils  
 ont  fouvent  éprouvé les  fuites  flcheufes du préjugé où ils étoient, 
 e n   S i b é r i e 1;  
 qu’il  ¿toit  permis  d’être  p o li,  &  d’avoir des égards pour ce fexe,  
 ainfi que dans le refte de l’Europe. Plus inftruits dans la fuite, ils connurent  
 qu’il ne falloir  faire  aucun cas des  femmes, en préfence des  
 maris ;  &  en partageant  leurs plaifirs de  la  table  ,  ils  patvenoient  
 bien-tôt  à  pouvoir  être  en  particulier  ,  plus  honnêtes  avec  les  
 femmes. C ’eft ainfi que  la corruption  de  ce  fexe en Ruffie eft une  
 fuite de la tyrannie des hommes. 
 Les  femmes  ne  connoiffent  d’autres  plaifirs que celui des fens  :  
 elles  fe  livrent  fouvent à leurs Efclaves, qui ne font pas eunuques :  
 la bonne conftitution &  la vigueur déterminent toujours leur choix. 
 C e  Pays ne fera jamais policé tant que les femmes y vivront dans  
 l’efclavage, & qu’elles ne ferviront point a 1 agrément de la Société. Si  
 les hommes exercent  la  plus  grande  féverite envers leurs  femmes,   
 ils font beaucoup plus  indulgents à l’égard de  leurs filles. Ils  prétendent  
 qu’une femme ayant un m ari, ne doit être occupée que de lui ;  
 au-lieu que les filles doivent jouir d’une plus grande liberté pour s en  
 procurer :  elles ne manquent pas d’en profiter de bonne heure, fans  
 confulter  les  parents  ni  l’Eglife.  Dès l’âge  de douze  a treize ans,  
 elles  ont  fouvent  cbnnu  les  douceurs du mariage,  avant  lage de  
 puberté :  mais  l’inconféquençe  des  hommes  eft fi  extraordinaire,  
 qu’en  accordant  anx  filles  cette  liberté ,  qu’une bonne éducation  
 devrait  diriger  ,  ils exigent qu’elles  confervent  leur  virginité  ;  ils  
 prétendent  s'affiner  dé  cet  état,  par  des  Experts  qui y  apportent  
 l’examen  le  plus  févere, &   qui  ferait le plus indécent par-tout ailleurs. 
 Le jour fixé pour la  cérémonie du mariage, &  après que les prétendus  
 ont  été  mariés par un Prêtre,  ainfi que dans notre Eglife,  
 les  parents de la fille donnent un  grand foupé, où fe trouvent ceux.  
 du mari, quelques amis, &   un Sorcier, dont 1 objet eft de détruire  
 tous les fortileges que d’autres Magiciens peuvent mettre  en  ufage  
 pour empêcher la  çonfommation du mariage. O n  conduit avant le 
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