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n’ont été eli danger fur ces mers, que parce qu’ils ne s eloignoîent
pas allez des côtes.
L accident qui a donné lieu à cette courte diifertation arriva à
quelques lieues de Niznowogorod, où j’arrivai le 20 à une heure
après midi.
Avant d'arriver à Niznowogorod , j’obfervai de mon traîneau
que la petite chaîne de montagnes qui borde la riviere d’Oka du
cote du midi, étoit difpofée par couches de matières de différentes
couleurs. Cette montagne étant coupée à p ic , ces couches étoient
des plus apparentes, & m’offroient des objets intérelTants : je fis
arrêter le traîneau pour aller les examiner 5 j’étois alors à vingt werfts
de Niznowogorod. Cette montagne avoit environ cinquante toifes
de hauteur au deflus du niveau de la riviere , & les couches dont
j ai parlé fix à fept toifes feulement : malgré le plus grand défir de
les examiner de près, je balançai cependant long-temps fur le parti
que je devois prendre ; je ne pouvois parvenir à leur hauteur qu’en
traverfant un tas de neige de quarante pieds de hauteur , que
les vents y avoient entaffée : elle me parut allez folide vers le bas
pour me porter ; mais il étoit à craindre qu’une fois embarqué fur
cette neige , elle ne m’engloutît ; j’y montai cependant, avec une
hache & un marteau , fuivi de mon, Domeftique, qui m’abandonna
aulfi-tôt. Ce tas de neige étant a la hauteur des couches , j’en fis le
delfein ; j’examinai & pris des échantillons de ces différentes matières
: je defcendis néanmoins promptement ; j’étois obligé de
changer de place à chaque inftant, parce que je m’enfonçois in-
fenfiblement, & me trouvois au bout de quelques minutes dans la
neige jufqu’aux genoux. Ces différentes couches, qui de loin pré-
fentoient un mur de brique, étoient un gyps particulier, dont je
parlerai à 1 article de l’Hiftoire Naturelle de Ruifie.
Quoique vers la fin de l’hiver, j avois trouvé peu de neige dans
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le plat pays, fans doute parce que les grands vents l’avoient ralfem-
blée dans les endroits qui oppofoient des obftacles à la dire&ion du
vent. C ’eft par cette raifon qu’il y en avoit une fi grande quantité le
long de cette montagne : je la fuivis jufqu’à Niznowogorod, & je
remarquai dans plufieurs endroits les mêmes couches dont j’ai déjà'
parlé plus haut. Mon premier foin en arrivant dans cette Ville fut
d aller voir M. Ismaelof, qui en étoit le Gouverneur : je devois lui
remettre des lettres de M. de Woronzof, Grand Chancelier. C e
Miniftre n’avoit point borné fes bontés à me procurer des lettres de
recommandation pour tous les endroits où je devois pafler ; il avoit
encore donné des ordres avant mon départ de Saint-Pétersbourg,
pour que j’euffe fur ma route tous les agréments qu’on pouvoir me
procurer. Je dois ajouter que plufieurs autres Seigneurs m’avoient
prévenu, en me donnant de même des lettres qui portoient des
ordres pour leurs Gens d’Affaires : aufli je trouvois auprès d’eux les
plus grands fecours. Si je me fuis trouvé dans quelques circonftan-
ces facheufes , je ne dois l’attribuer qu’au Pays & au naturel du
Peuple qui 1 habite. On n’eft point à l’abri de ces événements dans
les régions les plus policées ; à plus forte raifon dans la Sibérie, fi
éloignée des yeux du Souverain,
J appris par M. Ismaelof, qu’il y avoit dans la Ville un François
nommé Boudet, chargé de l’éducation des enfants d’une des principales
Maifons de la Ville : il s’en acquittoit avec diftinction ; auflî
étoit-il très eftimé & confidéré dans cet endroit. Il me vint voir le
meme jour , & me conduifit dans tous les endroits que je défirois
connoître.
M ’étant arrêté à Niznowogorod, pour faire raccommoder mes
traîneaux, je paffai toute la journée du 20 à voir la V ille , dont la
pofition eft des plus agréables : elle eft fituée en amphithéâtre, fur
la rampe d’une montagne dont le bas eft arrofé par le Volga. On
trouve fur cette montagne une plaine confidérable ; le terrein, fitué
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