trouve la tranquillité au milieu des tumultes de cette Cour. Cette
Princefle n’avoit époufé le Duc de Holftein que fur le droit
qu’on lui avoit accordé de pouvoir fuccéder au Trône. Dans
fa retraite elle ne s’occupe plus que d’acquérir la connoiflànce
des hommes, & le talent de les gouverner. N e voulant rien ignorer
, elle paife fes moments de loifir à cultiver les Sciences, les Arts
& les Lettres. Elle reconnoît des talents dans la Princeife Daschkof :
elle l’affoeie à fes amufements. Mais le Grand-Duc , jaloux même
de fes plaifirs, l’oblige de prendre des précautions pour vivre avec
cette jeune Princeife, foeur de la Frayle de Woronzof. J’ai lu une
Lettre de cette jeune PrinceiTe fur l’Amitié : nos meilleurs Ecrivains
ne la défavoueroient pas,
J’étois encore à Saint-Pétersbourg lorfque l’Impératrice Elifabeth,'
attaquée d’une longue maladie, faifoif toujours craindre pour fes
jours. Elle étok chérie de toute la Nation, & l’on redoutoit le Regne
de Pierre III, Elle mourut au mois de Janvier iy6t ;
Pierre III monte en chancelant fur le Trône, dont il auroit peut-
être été privé pour toujours, 11 l’Impératrice avoit vécu fept à huit
jours de plus. Au moment de fon avènement à l’Empire, quelques
ordres mal entendus oçcalîonnerent des troubles qui fembloient
annoncer la révolution que tout le monde attendok. Des Particuliers
avoient même dépolé leur fortune chez les Miniftres de leur
Nation, Mais un RuiTe, M. Glebof, avoit été aflèz hardi pour
donner des confeils à Pierre III pendant la maladie de l’Impératrice,
A Imitant de là mort, Pierre III commande , & il eft Empereur.
L ’Impératrice fa femme vient fe profterner à fes pieds j & frappant
du front contre la terre, elle lui rend fes hommages comme,fa
première Efclave, Tous fes Sujets lui prêtent de même ferment de
fidélité, & il jouit paifiblement de l’Empire. Pierre IIIrappelle tous
les exilés depuis l’Impératrice Anne, & je jouis à Saint-Pétersbourg
du fpeétacle fingulier d’y voir réunis Birgn, Munie Leftoc,
Pierre III quitte fon ancien Palais pour habiter le nouveau, &
laifie 1 Impératrice dans le premier. Il fe livre indécemment" auxi
plaifirs & aux Fêtes , où l’on ne voit jamais l’Impératrice, pour qui
les Rulfes ont toujours eu la plus grande vénération.
Un mois ne s’eft pas écoulé depuis qu’il eft fur le Trône, qu’il fe
fait conduire au Sénat, & déclare qu’il accorde la liberté à fa N o -
blelfe. Cette nouvelle répand dans la Nation un excès de plaifir indicible.
Dans ce premier moment d’enthoufiafme, elle veut lui éle-
ver une Statue d’or maffif. Quelqu’un fait la réflexion que l’Empire
n’en contient pas affez pour remplir cet objet. La jufteflè de cette
réflexion détermine les Rulfes à fe borner à une Statue d’un pied
de hauteur. Elle doit être placée dans le Sénat. O n y fubftitue bientôt
une Statue de bronze, & la l's ation paroit enfin décidée pour
une Statue de marbre.
La liberté que l’Empereur accorde à fa Nation exige cependant
qu’il publie une Ordonnance à cet égard ; & furies repréfentations-
de quelques Miniftres en- place, Pierre III borne la. liberté qu’il accorde
a la N oblefle, à la permiflion de ne pas fervir, & de voyager
avec fon agrément. Voici cette Ordonnance ( i j. Un Officier
Ruflè veut en conféquence de cet Arrêt fe retirer du fervice.
Il en demande l’agrément à l’Empereur. — Q uel efi ton Grade ?
( I ) o r d o n n a n c e
D E P I E U R E 111. (*)
P K x ~ * a r l X' G r a c g D’E IJi e u : Nous Pierre III-, Empereur & Autocratreur dé toutesdè#
Ruflies, & c , & c , 6cc»
Ce n’eft pas l’Europe , maisla plus grande partie de l’Uni vers, qui eft le témoin irrépro*'
chable des travaux & des peines immenfes, que le très prudent Monarque, le Souverains
chéri, notre Aïeul Pierre le Grand , Empereur de toutes lès Ruflies , d’immortelle 6c
gjorieufe mémoire1, a'été obligé d’endurer, uniquement pour le bonheur 6c l’utilité de fa>
Patrie , en-élevant la Ruffie a la connoiflànce parfaite des Affaires Militaires, Civiles 6c
Politiques.
(*) Cette Ordonnance £ été imprimée en Erançpis* Saint-Pétersbourg, telle qu’elle paroît ici.