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 hommes  après.  Alors  la  Maîtreffe de la maifon va embraffer toute  
 l'Affemblée fur.la bouche ,  avec le plus grand  férieux,  & fans dire  
 un  mot.  Cette  cérémonie  faite,  les  hommes  fe retirent  dans un  
 autre appartement, & les femmes relient feules dans le premier. On  
 a difpofé de même dans la chambre des hommes,  une table avec un  
 tapis & des  çpnfitures. 
 Le Maître de la maifon  fait les honneurs dans cet appartement,  
 tandis que  fa  femme les fait  dans l’autre.  Quelques Voyageurs ont  
 avancé que les femmes boivent dans ce Pays des liqueurs avec exçès :  
 je ne  l’ai point vu.  On leur fert du eafïé à l’eau , avec une efpece de  
 mauvaife bierre, & du thé  :  edes  en boivent même plutôt par com.  
 plaifance pour  la Maîtreffe de la maifon ,  que  par  goût.  Il n’en eft  
 pas de même des  hommes ;  ils font prefque tous ivres après trois ou.  
 quatre  vifites; &  en  effet ,  àpeineeft-on aflis, que le Maître  delà  
 maifon apporte fur une efpece  de cabaret,  des verres remplis d’eau7  
 de-vie, ou d’autres liqueurs femblables^Il en préfente à chaque convive  
 :  on lui manquerait effentiejlement, fi l’on refufoit d’en boire,  
 O n   fert  après  la  liqueur  une  efpece  d’hydromel, du caffé ,  & de  
 temps en temps de l’eau-de-vie. Il faut boire de toutes ,çes drogues t  
 &   prendre quelques  confitures. La  vifite  dure  communément  une  
 demi-heure, L ’on retourne dans  l’appartement des femmes :  l’on eft  
 embraffé de  nouveau,  &  l’on  va  enfemble chez la voifine. On  eft  
 ainfi toute la journée à parcourir  la Ville &  à  boire.  J’eus  à  peine  
 fait  deux  vifites,  qu’une  violente  douleur  fie  tête  m’avertit  quç  
 j’avois  befojn  de  prendre quelque  repos.. J’çtois  encore fi incommodé  
 le  jour  fuivant,  que malgré le  défir  4e  continuer les vifites  
 avec  les  perfonnesqui  me  faifoient  l’honneur de me  le propofer,  
 j’y  aurôis  renoncé,  fi l’on  ne m’avoit aifuré, que  je  pourrais  rpe  
 difpenfet  de  boire  en  me  mettant à  l’écot  des  femmes  :  mais  je  
 m’apperçus dès la première  vifite, que cela n’étoit pas  du goût fies 
 hommes. 
 hommes.  Un  Ruffe, qui a  eu fouvent  la bonté de m’aider  de  fes  
 confeils, me le confirma, & je  retournai  à  la  fable  des  hommes;  
 mais j’avois pris la précaution de me munir de plufieurs mouchoirs,  
 qui me tirèrent d’affaire. A  peine avois-je pris mon verre d’eau-de-  
 vie ,  que  faifant femblant  de m’effuyer,  je répandois cette liqueur  
 dans mon mouchoir : j’eus par  ce moyen la faculté de vifiter  toute  
 la  journée  fans  accident.  Ces  vifites  durent  communément  trois  
 jours. 
 J’ai  été  témoin pendant la Semaine Sainte, de la facilité qu’ont  
 les  gens  opulents  de  Ruifie,  à  s’acquitter des Prières  d’ufage.  Les  
 Prêtres  vont  dans leurs  maifons  avec les Ornements.de l’Eglife, &   
 tout ce qui eijt néceffaire aux Offices du temps : ils y font ces Offices  
 moyennant une  légère  rétribution, pendant que lesRuffes fpnt .a»  
 lit ou dans leurs autres appartements, 
 Tome 1. V