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   Sokikoff marchant en Siléfie en  1759  ,  fut furpris de même ;  
 les  premiers  Régiments  de  fon  armée  ayant  voulu  camper  dans  
 l’endroit qui leur avoit été marqué, ils y furent attaqués auffi-tôc ; le  
 Général  étoit dans  ce moment  à  la  chaffe.  C'eft peut-être  par  la  
 même  raifon que les Rufles,  quoique vers la Sileiic,  alloient prendre  
 tous les ans leurs quartiers  d’hiver  fur  la \X; ifinie  a plus de quatre 
 vingt lieues de l’armée du Roi  de Pruffe, 
 Les  Officiers  n’ont  aucune  eonnoiffance  de  la diftribution des  
 magazins  ,  ni du  détail  des  vivres.  On  diftribue  aux  foldats  de la  
 farine ,  du  gruau ,  un chariot pour douze  hommes ,  &  c eft a eux  
 de s’arranger pour faire  leur four & leur  pain.  Dans  bien des cas la  
 fatigue &  la négligence  des  foldats  font  caufe qu ils  fe  nourriflent  
 fort mal.  La réunion de tous  ces faits  eft la principale  fource  de  là  
 lenteur des opérations  militaires de  leurs  a rinces j  elles forment des  
 tnaffes qu’on ne peut faire mouvoir. 
 Tous ces faits m’ont été confirmés  par  tous les Officiers que j ai  
 confultés  ,  & par des  Etrangers  qui  ont été  à  l’armée  des  Ruffes.  
 Ils  fuppofent,   fans doute, un Corps  d’Officiers peu inftruits dans  
 l’art  de  la guerre, 
 Le  lôldat Ruffe  étant  forcé  de  fervir  ,  n’eft  anime  par  aueun  
 principe  d’honneur, ni de courage \  l’eau-de-vie, la  crainte du châtiment, 
   & l’amour de la vie,  lui  donnent cependant une  efpece  de  
 bravoure dans certaines cireonftances. 
 L ’Artillerie des Ruffes eft très bien fervie  & toujours  très  nom-  
 breufe.  La Cavalerie  eft  principalement  eompofee  de Régiments  
 de Dragons & de Huffards ;  ils  n’ont  que  fix  Régiments de Cui-  
 raffiers. Cette Cavalerie  eft trop légère ,  pour  foutenir  le choc d u-  
 ne  Cavalerie  ordinaire  ;  celle-ci  culbutera  toujours  par  fâ  feule  
 piaffe la Cavalerie Ruffe. Leurs chevaux qu’ils tirent du  pays,  font 
 vigOoureux 
 vigoureux  &  durs à la fatigue ;  ils vont  d’une grande  vîteffe,  mais  
 ils  font  fi  petits  ,  qu ils  fuccombent  fous  le  poids  des  Cavaliers.  
 Après quelques  mois  de  campagne,  une grande partie  de  la  C a valerie  
 eft  à  pied.  O n   m’a  cependant  affuré  que  la  Ruffie  droit  
 quelquefois  des  chevaux  du Holftein  ;  &  en effet elle  eft  à  portée  
 d’en avoir de  ce  pays,  ainfi  que les autres  Puiffances de l’Europe  
 ;  mais  la  modicité  de  fes  revenus  ne  lui  permet  pas  cette  
 nouvelle  dépenfg  (1).  Tout  le  monde  convient que  la Cavalerie  
 Ruffe  eft  la plus mauvaife  qui  foit en Europe  ;  il n’en  eft pas  de  
 même de  l’Infanterie.  On  écrivoit il  y  a  cent  ans,  qu’elle fe  bat-  
 toit bien  ,  pourvu  qu’elle  eût  au-devant  d’elle  des  foffés  ou  des  
 palliffades,  afin  de pouvoir  attendre à  couvert  1’,ennemi ;  qu’elle  
 prenoit lâchement la fuite, &  que fi elle ne voyoit pas de lieu de dé-  
 fenfe.  Il eft remarquable  que tout cela eft encore  aujourd’hui de  la  
 plus exaéte vérité  ,  quoique ces  troupes  foient  mieux  difeiplinées.  
 Si  les Ruffes  voient une  fuite ouverte  aifée  ,  ils  ne  fongent  qu’à  
 fuir, mais s’ils font enfermés &  s’ils  défendent leur vie  ,  ils deviennent  
 redoutables, Te Ruffe ne combat jamais pour l’honneur  ,  mais  
 pour fa  vie. 
 Les  campagnes de la derniere guerre femblent appuyer ces différentes  
 opinions.  Le Roi dePruflè  occupé  vers  la  Siléfie  contre les  
 armées formidables de l’Allemagne, à plus de cent lieues des limites  
 orientales  de  fes  Etats, n’a  jamais  été  à portée  de  faire une campagne  
 fuivie contre les Ruffes. C e  Monarque ne pouvant  leur op-  
 pofer que de petites  armées  dans  cette partie de fon Royaume  ,  il  
 les  laiffoit  avancer jufqu’au point où il en  auroit  été  incommodé ■:  
 alors  il marchoit à eux avec le  projet  de  les  détruire,  &  défendoit  
 qu’on fît des prifonniers ;  mais  ce grand Roi  &  fes Généraux ont  
 prefque toujours combattu les Ruffes dans des  polirions  où ils n’a- 
 (j)  Voyez page  170 de fuivantes. 
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