res ; les autres aux Sciences & aux Arts, fans confiilter leur talent
ni leur difpofition. Pierre parcourt les Académies & les Atteliers ;
il prend fouvent le rabot & le cifeaa ; mais il ôte le pinceau des
mains du jeune Artifte qui peint Armide entre les bras d’Arnaud,
pour lui faire donner les batogues (i).
Les fucceffeurs de Pierre Ier fui vent le même plan : l’Académie
des Sciences acquiert cependant de la célébrité ; les Bernoulli, les
Delifle , les Herman , les Euler, y foutiennent la réputation
qu’ils ont acquife ailleurs t les Arts y paroillènt avec quelque éclat;
mais la réputation de l’Académie & les Arts difparoiffent à mefure
que la Parque moiffonne les grands Hommes qui y ont été appel-
lés , ou qu’ils abandonnent la Ruflie-Les Souverains ne ceffentde
procurera leurs Sujets des Maîtres habiles, d’exciter & de favorifet
les talents ; néanmoins après plus de foixante ans , pourra-t-on
nommer un feulRuflè qui foit à citer dans l’Hiiloire des Sciences
ou des Arts ?
Les gens de mérite attirés en Ruflie de chez l’Etranger, découragés
pour la plupart, n’y travaillent plus avec le même zele qu’ils
faifoient dans leur Patrie. L ’Académie de Saint-Pétersbourg pofle-
doit en 1761 plufieurs Etrangers du premier mérite, parmi lefquels
on peut cirer M r*Epinus, Léman, Braun, Muler, ci-devant Secrétaire
de l’Académie,, & actuellement Directeur d’une École à
Mofcou (z),Tauber, Stelin. Feu M . Lomanofow, Ruffe, annon-
çoit du. génie ; il feroit devenu par-tout ailleurs un Académicien
diftingué. M. Rumouski, trop jeune encore pour s’être fait une réputation
, eft né avec des ta lents& avec un zele qui n’eft pas commun
parmi les Ruffes.
Malgré cette Colonie de Savants , on diroit que lé génie
de la plupart eft comme éteint, dès qu’ils font tranfportés en
(i)_ Voyez les Supplices, page 226.
(1) J’ai appris-ce. changement à mon retour en France*
Ruflie; & le nom des gens de mérite que la Ruflie poffede, femble
delliné à faire le principal éclat de leurs Académies & de leurs
Ecoles. Ceux qui ne lifent pas les Annales des Sciences, témoins
irrécufables de ce que j’avance , peuvent confulter des milliers de
Voyageurs qui ont féjourné à Saint-Pétersbourg & à Mofcou.
Cet état des Sciences & des Arts en Ruflie fuppofe un vice dont
il faut chercher la fource dans le défaut de génie de la Nation, oii
dans le Gouvernement & le climat. Un Philofophe (1 ), dont le
nom fera en vénération à la poftérité la plus reculée, en examinant
la différence des hommes par rapport aux climats, nous repréfente
les Peuples du Nord avec des organes grofliers, ainii que les fluides
qui les animent, plus propres à produire de grands corps vigoureux
que des hommes de génie ; mais le même Philofophe nous
fait envifager ces mêmes Peuples comme très courageux, fimples,
confiants, fans foupçons, fans politique & fans rufe, ayant peu de
vices , & affez de vertus, beaucoup de fincérité , de franchife, &
peu de fenfibilité pour le phyfique de l’amour. Voyageant en
Ruflie , j’ai reconnu par-tout un Peuple très différent de celui que
je comptois trouver, d’après les idées de ce célébré Philofophe (1).
Il eft vrai que dans cette aflèrtion il a confidéré les Peuples du
Nord indépendamment du Gouvernement ; & celui de Ruflie a;
tellement dénaturé l’homme , en fubjuguant jufqu a fes facultés les
plus indépendantes du Souverain, qu’il eft même très difficile d’apprécier
le caraétere diftinétif de la Nation ; & c’eft pour cette rai fon
que je me fuis borné jufqu’ici à rapporter des faits.
D ’autres Philofophes ont cru voir dans l’éducation & dans la
conftitution des différents Gouvernements, les feuls principes des
différences qu’on obferve dans les diverfes Nations par rapport au
(i) Montefquieu, Livre 14, Chapitre 2 , combien les hommes font différents dans les f
divers climats.
(1) Articles de la Religion , du Gouvernement, des Moeurs, Sec. Sec.
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