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 que la débâcle dévoie arriver à chaque mitant. Je tentai envain tous  
 les moyens poifibles  pour les  déterminer :  ils vouloient attendre le  
 jour pour  fe  décider. J’étois  encore  éloigné  de  foixante  lieues  de  
 Tobolsk. Cette nuit perdue  pouvoit être un obftacle à mon arrivée  
 avant la débâcle ; &  dans ce  cas il auroit  fallu  relier  dans l’endroit  
 où je me ferois trouvé.  Il eft alors abfolument impoifible de voyager,  
 même en bateau, parce que tout le Pays eft inonde par des torrents  
 qui  fe  répandent  de  toutes parts.  Je m adreffai aux anciens Portillons, 
  &  leur  repréfentai qu’ils  m’avoient  palfé toute  la journée fur  
 différentes  rivieres,  fans  qu’il  parût aucun danger ,  & que depuis  
 quelques heures, les paffages des rivieres ne pouvoient pas être plus  
 dangereux.  Je  promis  de  leur payer double pofte, & leur  fis boire  
 tant d’eau-de-yie qu’ils fe déterminèrent à me paffer. J’engageai les  
 gens de la Pofte à fournit les chevaux, & nous traversâmes la rivierç  
 fans accident. 
 J’arrivai Je 9 à Sozonowa, vers cinq heures du matin. Je fus longtemps  
 retardé  dans  ce  Hameau, n’ayant pas  trouvé de  chevaux a  
 mon arrivée, Je voulus réparer ce temps perdu, enfaifant diftribuer  
 en  route de l’eau-de-vie aux Pollillons, pour les engager à me conduire  
 avec  la  plus  grande  vîteffe  : mais  la  neige  étant  totalement  
 fondue  dans  la plupart des  endroits de la route,  je  ne pus, malgré  
 cette précaution, arriver a Berozoviar qu a quatre heures du loir, &  
 à neuf à  la  polie  de Vakfarina ,  où  je dpvois paffer  la  riviere  de  
 Tobol, 
 Je  demandai  auffi-tôt des  chevaux :  ils  me  furent  refufés  auifi  
 promptement que je les avois demandés ; & après une heure de dif-  
 pute,  je n etois pas  plus avancé. Je ne pouvois pas me  dilfimuler le  
 danger  de  traverfer  cette  riviere :  les  raifons  des Habitants  de ce  
 fdameau  m’avoient même  d’abord déterminé  à me  fixer  dans  cet  
 çqdroit, pour y  faire mes obfervatipns : mais outre que la fituatiou 
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 netoit pas  commode  ,  j’avois befoin d’être appuyé de l’autorité du  
 Souverain ,  pour bâtir un Obfervatoire  , & pour  n’être pas dérangé  
 dans  mes opérations :  l’un &   l’autre  me  paroiffoit  impoifible  
 à exécuter. Je  commençois  déjà à connoître alfez  ce  Peuple,  pour  
 11e pas  ignorer que  je devois  les  politeffes  que j’avois éprouvées fur  
 ma route, à quelques perfonnes  honnêtes  que  j’avois  rencontrées ,  
 & principalement aux lettres de recommandation de M. de Wbron-  
 zof.  Dans  toutes les  circonftances  où le  feul naturel des Habitants  
 avoit a g i, j’avois éprouvé les plus grandes difficultés, & dans celle-  
 çi j’avois  encore à  craindre la fuperftirion d’un Peuple ignorant. 
 Je  n’étois  d’ailleurs  qu’à  vingt-cinq lieues  de  Tobolsk  :  flatu  
 douze heures je pouvois y arriver.; &  au moment que je touchois au  
 terme de toutes mes fatigues, je me trouvois dans l’affreufe fituation  
 de manquer mon qbfervation. Je ne pus y réfifter : une fueur froide  
 fe répandit dans tous mes membres ; elle fut fuivie d’un abattement  
 univerfel  : mais bien-tôt le défefpoir  ranima toutes mes facultés ; je  
 propofai à tous ces gens  de faire fur la glace une efpece de train avec  
 des planches, ou avec des brandies d ’arbres : mais leurs têtes étoient  
 montées de façon qu’ils trouvoient  impoifible tout ce que je propo-  
 fois.;  ils rejetterent  durement  ma  propofition.  Leur  refus  fit  fur  
 moi une telle impreifion, que je fus tenté de les forcer à me paffèr :  
 mais ayant  conçu  le  deffein  d’acheter  leurs chevaux,  &  de  nous  
 conduire  nous-mêmes,  ce projet  remit  le  calme dans  mes  fens.  
 Je fortis un moment,  pour méditer fur le parti que je devois  prendre  
 : le dernier me parut sûr. Ceux qui me fuivoient m'avoient para  
 d’ailleurs déterminés à ne pas  me  quitter. Etant  rentré  allez  tranquille  
 , je fis apporter desprovifions pour foupêr, &  de l’eau-de-vie  
 pour diftribuer a tout le monde. Il étoit  néceflaire de  ramener  tous  
 les efptits,  qui  avoient  pris  de  l’humeur  de  tout ce  qui  s’étoit  
 paffé.  1 
 On  m’apporta en  même-temps mon' thermomètre : je  le plaçai  
 Tome /.  K