finiple d’en chercher la caufe phyfique dans la congélation même
des eaux de cette riviere : & en effet, dans les Pays du Nord, ainfi
que dans nos climats, les grandes rivières ne g.éleroient jamais, a
caufe de la vîteffe du courant, fi les glaçons ne commençoient a fe
former vers les bords des rivieres, où les eaux font plus tranquilles ;
ces glaçons flottants s’accroiffent, fe multiplient chaque jour, &
couvrent bientôt la furface des eaux. Dans ces circonftances la rigueur
des froids du Nord fixe dans le même temps tous ces glaçons
flottants : ils forment par conféquent une furface parfaitement unie;
tandis que dans nos climats tempérés la furface des rivieres gelées eft
toujours raboteufe, parçe que le froid n’eft pas affez v if pour produire
cette prompte réunion.
En admettant dans le Pays du Nord cette prompte réunion des
glaçons flottants, on conçoit aifément qu’ils doivent laiffer entr’eux
des intervalles vuides, à caufe des figures différentes de ces glaçons.
Quant au grand efpace dont j’ai parlé, il eft vraifemblable qu’il a la
même origine : il occupoit le milieu du courant fuivant fa longueur;
or fuppofant la riviere gelée fur fes bords pendant qu’elle charioit,
& par conféquent fon canal confidérablement rétréci à la furface de
Peau, les grands glaçons auront formé un embarras dans cet endroit ;
ils s’y feront fixés, auront ocpafionné cette grande ouverture. O n
dira fans doute, & avec raifon , que quoique la furface de l'eau foif
gelée , la riviere peut châtier encore fous ,çette furface gelée : ces
glaçons doivent monter à la fuperficie de l’eau dans les endroits qui
ne font pas gelés, s’y fixer, & remplir les efpaces vuides. Ces nouveaux
glaçons font, je crois, la véritable caufe pour laquelle on
trouve fi peu d’efpace vuide fur ces grandes rivieres : mais il ne
s’enfuit pas que toutes les ouvertures doivent être remplies ; d’ailleurs
dès le moment que les rivieres font gelées, elles charient très peu I
& pendant un efpace de temps très court. Dans notre climat tempéré
Je froid eft peu confidérable, eu égard à celui des Pays du Nord, où
le
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le thermomètre defeend à vingt ou vingt-cinq degrés, & quelquefois
jufqua foixante-dix : les variations de la température de l’air
font encore fi çonfidérables dans notre climat, qu’on éprouve fou-
vent plufieurs dégels dans le même hiver ; & ainfi il n’eft pas fur-;
prenant que les rivieres charient la plus grande partie de ces temps,
tandis que le froid exceifif des Pays du Nord fixe tout-à-coup tous
les glaçons flottants ; & il ne s’en forme plus de nouveaux , parce
que le froid y eft continuel pendant fepf à huit mois de l’année.
J ’ai fait une remarque en Sibérie , qui prouve que les rivieres
gelées ne charient plus après ce premier moment, & que les efpaces
vuides, fitués vers les courants, ne doivent jamais geler tout le temps
que dure l’hiver. En voyageant fur l’O k a , & par la fuite fur le
,Volga, je rencontrai fur ma route quantité d’ouvertures de dix-huit
pouces de diamètre t elles avoient été faites par les Payfans à travers
la glace, qui avoit trois pieds d’épaiffeur ; ils font uiàge de ces ouvertures
pour placer dans la riviere des filets propres à prendre le
poiffon. C et ufage n’auroit point été établi, & ne fubfiftproitpoint,
fi ces rivieres charioient, puifque leurs filets feroient bientôt emportés.
La même raifon prouve que l’eau ne doit pas geler dans ces
endroits ; pn effet, je l’ai toujours trouvée liquide dans toutes les
ouvertures aù je nie fuis arrêté pour examiner ce fait,
Cette obfervation , en faifant voir que le mouvement des eaux
courantes eft un grand obftacle à leur congélation , vient à l’appui
du fyftême des Phyficiens qui put avancé que l’eau des mers fituées
vers le pôle ne devait jamais être gelée , malgré les montagnes
énormes de glace qui flottent fur les côtes de ces mers à la fin de
l’hiver. Ces montagnes de glace n’ont été formées que fur les côtes ,
¡aux embouchures des rivieres fur-tout, par les glaçons quelles y ont
chariés au commencement de l’hiver : mais en pleine mer l’eau n’y
¡doit pas etreplus gelée que dans la zone torride, & les Voyageurs
Tome I, g