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» tion , qui arriva au jour marqué par le Dieu Fo. Cette tradition ,
» en paffant de liécle en iîécle I a acquis d’autant plus d’autorité
» qu’elle fe trouve confirmée par les anciens écrits de leurs Au-
,» teurs , & qu’on l'entretient dans ce Peuple ignorant, par une
» fuite d’impoftures.
» Le Dalai Lama ou Lama-Dalai eft regardé dans cette contrée
» comme le Dieu Fo incarné. On le nomme auifi Pere éternel. O n
.» lui donne tous les attributs de la Divinité, & par conféquent
.» l’immortalité. Pour entretenir cette impoflure les Lamas ou Prê-
» très choifiiTent dans tous fies Etats un enfant qui a quelque reffem-
> blance avec le grand Lama. On l’éleve dans l’intérieur de fon Pa-
» lais, pour le fubftituer à la place du grand Lama lorfqu’il vient à
» mourir. Cette fraude eft aifée à entretenir chez ce Peuple, parce-
,» que le grand Lama ne paroît jamais en public , & que tout le1
» monde n’a pas la liberté de parokre devant lui. Aucun Voyageur
» n’a pu en effet avoir cet avantage.
Grueber ( i) raconte, d’après le témoignage des Habitants de Ba-
rantola, » que le grand Lama fe tient aflis fur une efpece de lit
;» très riche, dans un profond appartement de fon Palais, orné d’or
> & d’argent, illuminé d’un grand nombre de lampes. En appro-
» chant de lui, fes Adorateurs fe profternent, baiifent la tête jufqu’à
> terre, & lui baifent les pieds avec une vénération incroyable. l ia
> toujours le vifage couvert, & ne fe laiffe voir qu a ceux qui font
3> dans le fecret.
» Le grand Lama reçoit cependant les adorations de fes fujets &
» d’une multitude d’Etrangers qui viennent de fort loin pour lui
> rendre un culte comme à la Divinité. Les Kans & les autres Prin-
.» ces y viennent de même pour l’adorer & lui apporter leurs hom-
(i) Tome V il de l’Hiiloire générale des Voyages, pag. 125. 8c fuivantesi
e n S i b é r i e . z ç y
» mages. Ils font traites de la même maniéré que les plus vils de leurs
» fujets. La feule faveur qu’il daigne accorder à tous fes Adorateurs,
» eft de mettre la main fur leur tête, & ils fe croient lavés de tous
» leurs péchés.
» Le grand Lama eft dans une fi grande vénération , fur-tout
» dans le T ib e t , que, fuivant Grueber, les Grands de ce Pays fe
» procurent, avec beaucoup d empreifement, quelques parties de
» fes excréments qu’ils portent autour du cou en forme de reliques.
» Les Moungols font dans le même préjugé fuivant Gerbillon ,
» & tous fes Adorateurs croient qu’on fe garantit de toutes les înfir-
» mites corporelles, pourvu qu on ait au cou de ces reliques, Sc
» qu’on mêle de l’urine du grand Lama dans les aliments dont on
» fait ufage. Ces precieufes reliques produifent un grand revenu
» aux Lamas, par la vente qu’ils en font à la multitude des Peuples
» qui en viennent chercher.
» L étendue de la Religion du grand Lama, l’a obligé d’avoir des
» Vicaires qui le repréfentent : on les nomme Kutuktus ou Kou-
» toukta; le nombre n’excede jamais deux cents : ils font regar-
;» dés comme de petits Dieux, mais dépendants du Dalai-Lama.
» Plufieurs fe font cependant rendus indépendants, en s’attri-
» buarit les pouvoirs du Dalai-Lama. Des Souverains éclairés ont
.» même favorifé cette défunion , pour divifer cette puiffançe trop
» étendue,
Les Lamas ou Prêtres font fubordonnés aux Koutoufcta,
» de façon qu’on trouve dans le Tibet une 'efpece d’Hiérarchie
» Eccléfiaftique pour le maintien de la difeipline , & qui a beau-
» coup de rapport L celle de l’Eglife Romaine. On y voit dif-
» férents grades qui répondent à ceux de nos Archevêques , de
i» nos Evêques & de nos Prêtres. On y voit auffi des Abbés &
» des Abbeffes , des Prieurs, des Provinciaux & d’autres Supé-
» rieurs dans les mêmes degrés- pour l’adminiftration du Clergé
P p ij