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 confidérablement,  quelle  couvroit à peine dans quelques endroits  
 la  fuperficie  de  la  terre.  Le  thermomètre  étoit  cependant  à  fept  
 degrés au defTous de o a Lialinskoi. J’arrivai ace Hameau le y  a cinq  
 heures du matin, &  le même jour à Verkhotourie à une heure après  
 midi. Verkhotourie eft une petiteVille de Sibérie peu éloignée de la  
 riviere Tura  - elle eft iîtuée fur des rochers, &  environnée de quelques  
 mauvaifes fortifications. Elles ont été  faites par lesRuffes  depuis  
 qu’ils font en  poffeflion  de la Sibérie. Cette V ille étoit le  feul  
 paffage  par  où  l’on  pouvoit  voyager  de Ruflie  en Sibérie , depuis  
 Gagarin,  Gouverneur  de  cette  Province.  C e  Gouverneur  ayant  
 conçu le deflein fous Pierre 1“ , de  fe faire Souverain de la Sibérie,  
 fes projets  avoient  exigé qu’il  défendit  la route  d’Ekaterinbourg ,  
 alors la plus pratiquée, parce qu’elle étoit  la  plus courte. Depuis ce  
 temps elle avoit été abandonnée  elle ne fut permife qu’en  1761.,  
 par une Ordonnance  de l’Impératrice Elifabeth, donnée à ce fujet.  
 O n  avoit établi à Verkhotourie une Douane  des  plus  féveres  :  en  
 ayant été prévenu à Saint-Pétersbourg ,  j’avois  prié M. le Chancelier  
 de  m’accorder  un  ordre, pour  que  les  caiifes qui contenoienr  
 mes inftruments ne fuffent pas ouvertes.  Elles étoient reliées fermées  
 depuis Paris.  Cette grâce  me  fut accordée,  malgré  la  févérité des  
 Ordonnances.  Pierre I" en avoit  rendu  une  ,  qui fait trop d’honneur  
 au goût de ce Monarque pour les Sciences &  les Arts, pour ne  
 pas  la  rappeller  ici  :  elle  contenoit  que  tous  les  inftruments  qui  
 avoient rapport aux Sciences &  aux Arts ne feraient  jamais vifités  :  
 mais  bien-tôt  l’abus qu’on fit de cette permiffion obligea lès  fuccef-  
 feurs.à rétracter cet ordre. Le Directeur de la Douane, nommé Mi-  
 chitas  Ivan  Soubatof,  fe  borna  à me  demander  un  état  de  mes  
 effets,  & me  combla de politellès.  Il me fit préfent de deux zibelines  
 ,  de quelques livres de thé, & de différentes fortes de provifions.  
 Je me difpofois à partir,  lorfqu'il me fit l’honneur de me venir voir 
 avec les principaux de la Ville.  J’avois encore dès liqueurs de Lune-  
 ville , &  quelques bouteilles de vin de Bourgogne, que M. le Baron  
 de Breteuil  m’avoit  données  à mon départ  de  Saint-Pétersbourg.  
 Je les  engageai à  en boire  :  ils furent  des plus  fatisfaits  du vin de  
 Bourgogne  :  on  ne  connoît  en Sibérie que le vin que les Voyageurs  
 y  apportent  ;  mais nos  liqueurs  leur  parurent  fades, &  trop  
 foibles. Accoutumés  à  des liqueurs  fortes,  celles  de France font à  
 peine  quelques  légères  impreffions fur leur  palais. Ils- me firent des  
 inftanees fi vives pour féjourner à Verkhotourie, que je retardai mon  
 départ jufqu a  la  nuit.  M. Soubatof m’engagea d’aller me rafraîchir  
 chez lui  : j’y trouvai  toute  fa famille.  Je ne pus voir fa  femme qu a  
 travers la porte de fa chambre,  ouverte à moitié  :  elle  étoit des plus  
 jolies & des mieux vêtues ; mais.il ne fut pas poifible d’obtenir qu’elle  
 parût. Je partis à huit heures du foir  :  le'Ciel étoit très obfcur, & le  
 chemin fort mauvais ;  ce qui me détermina, à faire allumer tous les  
 flambeaux. Je voyageai toute la nuit fans le plus petit accident, quoiqu’on  
 m’en eût beaucoup prédit à mon  départ de V  erkhotourie. Le  
 temps, qui étoit très doux quand je fortis de cette Ville  ,  fe  refroidit  
 tout-à-coup vers trois heures du matin, à ma grande fatisfaétion.  
 Le thermomètre étoit defcendu à neuf degrés au deflous de la glace :  
 mais  le foleil eut à peine paru fur l’horifon , que cet inftrument remonta  
 avec la plus grande promptitude. Je defcendois toujours vers  
 le midi ,   &  la neige  diminuoit  perpétuellement; ce qui me  détermina  
 à ne pas perdre un moment, crainte d’être furpris par le dégel.  
 Le même jour le traîneau de l’Horloger fe eaffa au milieu de la campagne. 
  Comme  nous  n’étions à portée d’aucun fecours»,  on l’ajuila  
 avec des cordes-,  Sc  on  le conduifît  avec, beaucoup de peine jufqu’à  
 Makhneva  ,  où  je me  propofois  de  le  faire  raccommodes  : mais  
 n’ayant trouvé perfonne qui voulût s’en charger, je pris le parti d’en  
 acheter un autre. Pendant qu’on arrangeoitce nouveau traîneau, je  
 dînai dans.unemaifon duHameau ,  & fus témoin du dîner desPoftiL