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 Bénédiction  du  Patriarche  avec  la Croix  d’or.  Quand il  eut béni  
 tout  l’appartement,  le  Clergé  rendit fes hommages a  la Czarine ,   
 &  lui fit des préfents, ainfi qu’il avoit fait au Czar. 
 C e  Prince conduifit après ces Cérémonies, le Patriarche &  tout  
 le Clergé  dans  un  grand  Salon  ,   où  1 on  avoit  préparé un grand  
 dîné. Les Officiers qui devoient fervir furent les feuls qui  eurent la  
 liberté  d’y  entrer. 
 Ces différentes Cérémonies, qui fe perpétuèrent j.ufqu a Pierre Ier,  
 nous  font  voir en même-temps  la  grande  autorité que les Patriarches  
 avoient acquife en Ruffie. Ils l’étendirent de plus en plus par la  
 fuite.  »  Le  Souverain ,  fuivant M.  de Voltaire ( i ) , marchoit nue  
 » tête une fois l’an,  devant le Patriarche, en conduifant fon Cheval  
 » par  la  bride.  Le  Patriarche  N ico n ,  que  les Moines  regardent  
 » comme un Saint, & qui fiégeoit du temps d’Alexis, pere de Pierre  
 » le Grand, voulut élever fa Chaire au defiùs du Trône. Non-feu-  
 » lement  il  ufurpok  le  droit  de  s’afTeoir  dans  le  Sénat à côté  du  
 » C z a r , mais il prétendoit qu’on ne pouvoir faire ni la guerre ni la  
 » paix fans fon  conféntement ». 
 A u  commencement du  Regne de Pierre Ier,   les Ruffes  fe ma-  
 rioient,  fans que les prétendus fe fuffent jamais vus. Les parents du  
 garçon  envoyoient une  elpece  de Matrone  chez  les parents  de  la  
 fille : JeJais que vous aveç de la marchandife , leur difoit-elle ; nous  
 avons  des acheteurs.  Après quelques  éclairciffements ,  &   quelques  
 jours  de  négociations ,  les parents fe  voyoient.  Lorfque le garçon  
 convenoit a ceux de la fille, ils fixoient le jour de la Cérémonie. On  
 eonduifoit  l’avant-veille  du  mariage  le prétendu  chez  fon époufe  
 future :  ellçde recevoit fans lui parler. Un de fes parents écoit chargé  
 d’entretetiir  le  garçon.  Le  prétendu  envoyoit  le  jour  fuivant  un 
 (i) Tome I , pages 67 Se 6 S» 
 préfent à la Demoifèlle :  il confiftoit dans des confitures, dufavon,  
 & autres  choies de ce genre. Elle n’ouvroit la boëte qu’en préfence  
 de fes amies, qu’elle envoyoit chercher:  elle s’enfermoit avec elles,  
 ne ceffant de pleurer, pendant que fes amies chantoient des Chan-  
 fons analogues à fon mariage. 
 On ne  trouve plus que  parmi le Peuple des  veftiges de ces derniers  
 ufages. Les moeurs Européennes que Pierre Ier a tâché d’introduire  
 dans fes Etats,  ont détruit  dans quelques endroits une partie  
 des anciens  préjugés.  Depuis  cette  époque  on fe recherche en mariage. 
   Parmi  les Grands,  les fortunes & les grandes alliances décident  
 les parents ;  les  enfants,  comme par-tout  ailleurs,  font rarement  
 confultés. 
 Les  moeurs Européennes  ont  cependant fait  peu de progrès  en  
 Ruifie,  parce qu’elles n’ont  aucun  rapport avec ce Gouvernement  
 defpotique :  elles y  ont  introduit le luxe,  & la communication du  
 RufTe  avec  l’Etranger  ;  fes  voyages  fur-tout  l’ont  rendu  plus  
 malheureux, parce qu’il a eu dès-lors  un terme de comparaifon de  
 fon  état avec celui  de  l’homme libre. 
 J’ai  vu  cette  Nation  à  huit  cents lieues de la C o u r , &  par ce  
 moyen j’ai  été à portée  de la connoître. 
 La fociété en général  eft peu connue en Ruffie,  fur-tout au-delà  
 de  Mofcou. Eh ! comment  pourroit-elle  fe  former dans  un Gouvernement  
 où perfonne ne jouit de cette liberté politique qui établit  
 par-tout  ailleurs  la  fureté de  chaque  Citoyen ? Tout le monde fe  
 craint  mutuellement  :  delà la méfiance ,   la fauffeté  ,  la  fourberie.  
 L ’amitié,  ce fentiment qui  fait le charme de  la v ie , n’a jamais été  
 .connue en Ruffie :  elle  fuppofe une fenfibilité d’ame qui  identifie  
 deux amis,  & des épanchements  de cceur qui mettent en commun  
 leurs  plaifirs  &  leurs peines. Les hommes ayant  peu  de confidéra-  
 tion  ppur  les  femmes  au-delà de  Mofcou, elles ne font pour rien  
 dans la Société ;  & fans elles çomment en former ? Elles vivent prêt 
 A a i j