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 de la Ruffie,  & le peu  d’argent qu’elle polTede  ,  ne  lui  per-  *  
 mettent pas  d’envoyer une armée hors  de  l’Empire  ,  fans  que  fes  
 victoires même ne lui foient très funeftes  ;  fes armées  y dépériiTent  
 prefqu’en entier,  quoique les  fubfides de fes alliés lui procurent  les  
 moyens  d’entretenir fes troupes ;  l’Officier, vu la modicité  de  fes  
 appointements, dépenfe  hors  de  l’Empire un partie de fes revenus  
 patrimoniaux,  & tout le monde fait que  la  Ruffie prend dans tous  
 les  temps  les  plus  grandes  précautions pour  empêcher la fortie de  
 l’efpece monnoyée, parce  qu’elle  en  connoît  les  inconvénients;  
 auffi  tous  les  Ruifes  conviennent  que la derniere  guerre a été des  
 plus  funeftes  à  l’Etat. 
 Il feroit avantageux au Souverain de  la Ruffie  de  renoncer  au  
 projet d’étendre  cet  Empire  ; il devroit même  rapprocher  &  concentrer  
 fes  fujets.  Cet  avantage  feroit  confidérable  ,  s’il abanden-  
 noit aux Ours toute la partie boréale de la Sibérie  , & qu’il fit tranfi  
 porter les peuples qui habitent cette contrée glacée dans les déferts delà  
 partie méridionale de  cette Province  ; déferts qui par la température  
 du climat & la fertilité du fo l, font tout-à-fait propres à devenir  
 la demeure des hommes. Il n’y aurait que  l’inconvénient,  qu’étant  
 voifins des Tartares, ceux-ci n’appriilent des Ruilès l’Art Militaire,  
 comme ces  derniers  l’ont  appris  des Suédois.  Quoi qu’il en  fo it,  
 la Ruffie en rapprochant ces peuples, ne feroit plus obligée d’avoir ,  
 même  en  temps  de  paix , un  corps  énorme  de  troupes  qui  augmente  
 la  dépopulation de  fes Etats, &   fa  dépenfe ,  fans  augmenter  
 fa puiffanee.  Sa force deviendroit par ce changement, plus co%-  
 fidérable , parce que toutes ces troupes pourroient ê.tre occupées  à la  
 défenfe de fes Etats ; & fi la Ruffie travaille dans ce moment  à donner  
 la liberté  à fes  peuples  ,  elle trouvera les plus  grandes  difficultés  
 pour allier cette liberté  avec fon ambition. Le Souverain, Maître  
 abfolu des biens  &  de la vie des Ruifes,  peut entretenir par  ce 
 moyen 
 moyen une armée confidérable, en donnant, pourainfx dire, une  
 médiocre nourriture aux Soldats &  à  ceux qui font employés  dans  
 les ouvrages  qui ont rapport  au Militaire ; mais il n’en  fera  pas de  
 même ,  lorfque ces peuples jouiront de la liberté. 
 Il m’a  paru d’après ces . différentes  obfervations,  que beaucoup  
 de  perfonnes  avoient  une trop grande idée de  la Ruffie,  & j’en ai  
 connu d’autres qui  étoient tombées dans un excès  contraire.  Cette  
 Puiffanee  fera toujours  dangereufe  pour  les  Peuples du Nord, fes  
 yoifins. 
 Tome  I. O o