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 paffent  leurs  jours dans  l’ennui,  au milieu de leurs Efclaves,  fans  
 autorité & fans occupation  ;  elles ne jouiffent pas même  du plaifir  
 de la leclüre ,  parce que la plupart ne  favent  pas lire. Les hommes  
 y  font auffi ignorants que les femmes. On fe voit de temps en temps  
 en grande cérémonie : les Gouverneurs &  les principaux Magiftrats  
 donnent de  grands  dîners  plufieurs  fois  dans  l’année. Les  parents  
 s’affemblent  de  même  de  temps à autre,  pour fêter le Saint de la  
 famille  ; mais  ils admettent rarement dans ces Feitins des perfonnes  
 qui ne foient pas alliées. Dans les grands repas on invite les hommes  
 &  les femmes ;  mais ils ne font ni à la même table, ni dans le même  
 appartement.  La MaîtrelTe  de la  maifon ne  paroît à  l’appartement  
 des hommes qu’au moment qu’ils vont  fe mettre à table  :  elle porte  
 un  grand  cabaret  couvert  de  verres  remplis  d’eau-de-vie :  elle en  
 préfence  dans  un  état  ¿’humilité a tous les  convives,, qui ne la  re-  
 gardent  feulement  pas  :  on  lui  remet  les. verres,  &  elle  le  retire  
 aulh-tôt. 
 Leurs repas font  toujours  très nombreux  ;  tous  les  Etats y  font  
 invités :  le Militaire, le C lergé,  le Magiftrat &  le Négociant, font  
 tous à la même  table; mais avec cette  différence,  qu’on y obferve  
 mieux que dans aucune Cour d’Allemagne,  l’étiquette du rang : les  
 Militaires y  font placés fuivant  leur  grade  ;  il  en eft de même des  
 autres États ; on n’a aucun égard à la naiffance. 
 O n   fèrt  tous les mets à la fois. La viande  coupée  en petits morceaux  
 dans du bouillon ,  forme leur potage. Ils font quelquefois des  
 ragoûts ; mais on ne peut en manger qu’autant qu’on y elt accoutumé.  
 La table elt couverte communément de plulieurs pyramides de rôt r  
 la-plupart de ces pyramides font compofees de différentes fortes de gibier, 
  &  les autres  de viande  de  boucherie, Onfert  en même-temps  
 des confitures de  la Chine ,   &  celles  qu’ils  foiit  avec  les  fruits du 
 Leur façon d’être à table, & leurs üfages, reffemblent beaucoup,’  
 a ce qui paroît,  à ceux de quelques  cantons  d’Allemagne ; mais ils  
 n’en ont pris que le ridicule,  qu’ils ont encore augmenté. Un profond  
 filence  regne pendant le  dîner  ;  il n’ell interrompu de  temps  
 en temps que par les. fantés qu’on porte. 
 ? A   peine  eft-on  à  table que chacun  verfe  dans  fon verre du vin  
 factice que j’ai décrit ailleurs ;  puis tous fe lèvent auffi-tôt pour boire  
 à la fancé les uns des autres, Qn appelle chaque convive par fon nom  
 de Baptême,  de famille, &   l’on  avale une goutte de vin à  chaque»  
 fanté.  . 
 J’ai  affilié à quelques-uns  de  ces  dînefs  ,  compofés  de plus de  
 foixante perfonnes  :  elles fe faluoient toutes en même-temps. Leurs-  
 attitudes & le mélange des différents fons offroient un fpedfacle affez  
 fingulier.Pierre ne pouvant fe faire entendre de Jacques, s’allongeoic  
 fur la table ,  &  crioit de toutes  fes forces  s dans  ce moment il  étoit  
 interrompu par François, qui  le faluoit ,0u  par  un coup de tête  de  
 Philippe , qui en fe retournant de droite  à gauche ,  ignoroit fa pof-1  
 ture. Philippe avoit bien-tôt fon tour en portant fon verre à la born  
 che  ! fon  voifîn  lui  donnoit un  coup de coude  &• en renverfant  
 une partie de  fon vin,  l’interrompoit dans le moment le plus inté- ■  
 reliant.  Ces  différentes  fcenes,  variées  fous  différentes formes,  fe  
 iépétoient prefqu’à chaque endroit de la table. Le tableau étoit d’au- ■  
 tant plus plaifant, que tous les perfonnagesn’étoientpas également  
 patients.  Quant à moi, je ne. trouvai jamais  le moment de boire  à  
 la  fanté  de  perfonne.  Je ne ceffai  cependant  tout le  temps, de remuer  
 la tête à droite, à gauche &  en avant. On regarde comme un  
 grand talent celui de faifir les moments fi à propos g qu on boive à la  
 fanté  de tout  le monde  en  confervant fa dignité,  & fans éprouver  
 aucun accident,  . 
 Cette première fanté étant portée,  ons’afïîed, & l’on a la liberté  
 de manger  quelques moments. On place dans quelques endroits de