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 forcée , de  l’humidité qui domine dans leur tempérament. 
 On  conclut  aifément de ce qui a été dit, que  les Ruffes doivent  
 avoir un fuc nerveux groffier,  fans jeu & fans aétivité,  plus propre  
 à former  des  tempéraments  vigoureux  que des hommes  de génie :  
 leurs  organes  intérieurs ne  peuvent avoir ni reiforts ni vibrations.;  
 la flagellation  qu’ils fe  donnent  perpétuellement dans leurs bains ,  
 &   la  chaleur  qu’ils y éprouvent, détruifent toute la feniibilité des  
 organes extérieurs ( i ). Les houpes nerveufes n’étant plus fufceptibles  
 d’imprelfions,  elles  ne  peuvent  plus  les  tranfmettre  aux  organes  
 intérieurs ;  auflï M . de Montefqtrieu obferve qu’il faut écorcher un  
 Rulfe pour lui donner du fentiment (z). Le défaut de  génie chez les  
 RulTes paroît donc être un effet du fol & du climat. 
 O n   aurait  pu  appuyer  cette  eoncluiion par  d’autres  raifonne-  
 ments également fondés  ; mais cet Ouvrage étant deftiné à rapporter  
 des faits,  il ne permet pas de  s’appéfantir  fur  cette digreffion,  
 peut-être déjà trop langue. 
 Il eft aufli rare de trouver de l'imagination dans le Ruffe, que du  
 génie ;  mais  ils  ont  un  talent  particulier pour imiter.  On  fait  en  
 Ruflîe  un  Serrurier  ,  un Maçon, un Menuifier,, &c.- comme on  
 fait ailleurs un Soldat. Tous les Régiments poffedent aufli dans leur  
 Troupe les Artiftes qui  leur font  néceflàires;  ils ne font pas obliges  
 de les tirer des Atteliers,  ainil que par-tout ailleurs. Ils décident à k   
 taille ,  ceux  qui  font  les  plus propres aux Arts qu’on leur deftine.  
 O n   donne  à  un  Soldat  une  ferrure  pour modèle ; on lui ordonne  
 d’en faire de femblables ,  &  il  en  fait  avec 1a plus grande adreffe:  
 mais il eft néceffaire que le modèle foit parfait ;  il le copieroit avec  
 tous fes défauts, quoiqu’il fût fouvent aifé  de les  corriger.  Les Ar-  
 xiftes & les Ouvriers de tout genre font dans le même cas. 
 Ce  talent  fingulier  des  RulTes  eft 11 frappant,  qu’on le recon- 
 (i)  Pages  50 &  56. 
 (z) Liv. XIV y Chap. lh 
 îioît  dans  k   Nation  en  arrivant  en  Ruflîe.  On  y  obferve  aile-  
 ment,  qu’elle  le  pOÎTede  à  un  degré  lî  fupérieur,  qu’on  auroit  
 pu  en  former  un  Peuple  bien  différent  de  celui  qui  exifte. 
 J’ai dit ailleurs que  les RulTes étoient  naturellement  gais ;  qu’ils  
 avoient  TeTprit dé  1a Société,  &   qu’ils l’aimoient ; & ne le voit-on  
 pas  parmi  lés  RulTes  qui  voyagent  chez  ¡’Etranger ?  Pourquoi lé  
 Ruflè  eft-il  donc  li différent  de  ce qu’il pourrait  être,  au-moins  
 à certains égards ?  C ’eft dans l’éducation  &  le Gouvernement qu’il  
 faut chercher k  folution  de  ce problème. 
 Dans  un  bon  Gouvernement,  l'éducation des enfants doit être  
 dirigée vers k  vertu, l’amour de k  Patrie & le bonheur de 1a Société.  
 Cette éducation eft étroitement liée avec le Syftême politique d’un  
 bon  Gouvernement ; mais elle fuppoiè que  l’intérêt du Souverain  
 foit  le  même  que  celui  de  1a  Nation.  C ’eft  dans  les  rapports &   
 l’exaéte  combinaifon  de  ces  deux intérêts,  qu’on trouve l’ordre &   
 l’harmonie  d’une  bonne  adminiftracion  :  elle  fait  k   puilfance  da  
 Souverain,  & le  bonheur  des  Peuples.  On  voit  naître dès-lors  cet  
 amour  de  1a  Patrie  ,  qui  fait  que  chaque Citoyen  ne  trouve Ton  
 ^bonheur  que  dans  celui  de 1a Nation ;  k   reconnoiffance publique  
 fait  germer  &c  entretient  l’amour  de  1a  gloire, produit les  grands  
 Hommes,  & leur affure la vénération  de k  poftérité. 
 L ’amour de  k   gloire  & dê 1a Patrie font inconnus en Ruflîe;  fe  
 defpotifme (1) y détruit l’efprit, le talent,  &   toute efpece  de fentiment. 
  Perfonne riofe penfer  en Ruflîe  ;  lame,  avilie  & abrutie  ,  
 en perd jufqu a 1a  faculté.  La  crainte  e ft, pour  ainfi  dire,  le  fetri  
 raifort qui anime toute k  Nation. 
 J’ai vu dans leurs Ecoles 1e jeune Géometre étudier Eudide avec  
 un billot pendu à  fon cou  ( z ) ,  &  des Maîtres commander  aux  talents  
 comme on commande Texerdce à l’Armée. 
 (1) Voyez l’Article du Gouvernement(page u o ) . 
 (2) J’ai parlé page  3 8  de  cette  punition*