Saint-Pétersbourg , fitué par le foixantieme degré de latitude y
ii’elt prefque point peuplé : on n y voit que des forets & des
marais ; il n’y vient point de bled , Ou du moins très peu. C e climat
n’a aucun fruit, ni même aucun des légumes ordinaires (x).
Cette partie , prefque déferte & aride , occupe trois cents cinquante
lieues d’Occident en Orient, fur deux cents du Nord au
Sud. Le refte de la Ruflie s’étend encore deux cents lieues vers le
Sud , & cette feule partie offre un terrein propre à l’agriculture.
L ’Ukraine eft une Proyince des plus fertiles, ou regne 1 abondance
en tout genre. La plupart des terres font cultivées dans toutes les-
autres Provinces, depuis cinquante-iix degrés de latitude, jufquau
parallèle de Pétersbourg : mais le grain n’y vient que médiocrement
(a).
D ’après les détails que je viens de rapporter ,, fondes fur les ob-
fervations de tous les Voyageurs qui ont parcouru ce vafte Empire r
j’ai dreiTé une Carte (3} , où l’on peut voir dun coup doeuil les différentes
contrées qui le compofent ; celles qui font cultivées , celles qui
font incultes, quoiquele terrein foit propre à la végétation, & enfin
celles dont le phyfique efl: abfolument oppofé à 1 agriculture, parce
qu’il y regne, pour ainfi dire,. un éternel hiver, & qu elles n offrent
que des déférts arides, de vaftes forêts, & des marais.
O n vient de confidérer le climat de Ruflie par rapport a fes
produirions : le phyfique offre de nouveaux objets des plus
intéreflants. Il confirme l’obfervation généralement reçue, que
plus on avance vers. 1 Efl fous le meme parallèle, en partant d Eu(
1) Strahlemberg, Defcription de l’Empire de Ruflie , Tome 1^ page 16 , tous les-
Voyageurs.
(z) Strahlemberg, Tome I , page 18.
,($) Cette Carte eft la vingt-feptieme de l’Atlas Géographique , Tome III de mort
Voyage en Sibérie.
rope, & plus le froid augmente ; & cette obfervation s’étend jufque
vers l’Amérique , ainfi que le confirme le Mémoire de M . D elifle,
dont j’ai déjà parlé. Voici comme cet Académicien s’en explique ( I ) :
•> Suivant la connoiflance que j’ai de la maniéré dont on fe ga-
« rantit des plus grands froids en Ruflie &c en Sibérie, & dë ce que
» l’on éprouve dans les chambres chaudes pendant les plus grands
« froids, je ne penfe pas qu’il puifle y en avoir de plus grands que
» ceux dont le Capitaine Midleton a fait le récit à la Société
» Royale de Londres, les ayant éprouvés dans l’habitation des
» Anglois à la Baie de Hudfon, fous la latitude de cinquante-fept
» degrés trois quarts.
« Quoique les maifons dans lefquelles on eft obligé'de s’enfer-
« mer pendant cinq à fix mois de l’année foient de pierre , dont
» les murs ont deux pieds d’épaifleur : quoique les fenêtres foient
« fort étroites , & garnies de planches fort épaiffes, que l’on ferme
» pendant dix-huit heures tous les jours : quoique l’on fafle dans
» ces chambres de très grands feux quatre fois par jour, dans de
» grands Poêles faits exprès : quoique l’on ferme bien les chemi-
» nées lorfque le bois eft confommé, & qu’il n’y refte plus que de
» la braife ardente, afin de mieux conferver la chaleur ; cependant
» tout l’intérieur des chambres & les lits fe couvrent de glace de
» l’épaiffeur de trois pouces, que l’on eft obligé doter tous les
» jours. L ’on ne s’éclaire dans ces longues nuits qu’avec des boulets
» de fer de vingt-quatre , rougis au feu , & fufpendus devant les
?> fenêtres. Toutes les liqueurs gelent dans ces appartements, &
» même l’eau-de-vie dans les plus petites chambres, quoique l’on y
» fafle continuellement un grand feu.
» Ceux qui fe hafardent à l’air extérieur , quoique couverts de
C1) VsLume de l’Académie de Paris de 1749, page 1
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