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 éprouvé : ofi me répondit que la plupart des Voyageîlfs difpofoieni  
 en  maîtres  dans  ces Hameaux  des  chevaux  &   de  tout  ce  que  ces  
 Habitants pofledoient ;  qu’ils étoient fouvent maltraités en demandant  
 les rétributions qui leur font dues. Us avoient j ugé, à l’uniforme  
 de  l’Officier  qui  me  conduifoit,  &   à ma  petite  caravane,  qu’ils  
 pourroient  éprouver  le  même  traitement  :  les  anciens  Poftillon?  
 raflurerent  ces  malheureux  Payfans  ;  l’eau-de-vie  que  je  leur  fis  
 diftribuer rétablit l’ordre dans  ce Hameau, Ceux qu’on avoit arrêtés  
 demandèrent même à me conduire avec ceux des anciens Poftillons  
 qui étoient le moins  fatigués :  je remontai enfuite continuellement  
 vers le Nord.  Le  froid  &  la neige  augmentoient chaque jour ;  les  
 habitations devenoient plus rares ; il falloit faire vingt-cinq a trente  
 lieues avec les mêmes chevaux :  les chemins étoient fi  étroits qu’un  
 traîneau  y pafloit à peine,  &   ils étoient d’ailleurs fi tortueux qu on  
 étoit  fort  incommodé  du  choc  continuel  qu’on  éprouvoit  contre  
 les  arbres.  Les  creux  qu’on  rencontroit à  chaque  inftant  faifoient  
 encore efliiyer des fecoulfes fi violentes, que j étois dans une crainte  
 perpétuelle que les traîneaux ne fe brifaflènt. Si je rençontrojs dauT  
 très  traîneaux  venant du  côté  de la Sibérie  ,  on les couçhoit  fur le  
 côté j  pour laifler paffèr les miens :  c’eft un droit accorde a ceux qui  
 voyagent avec la Poffce Royale j une  clochette attachée  au premier  
 cheval en eft le ligne, & avertit au loin les Voyageurs de fe ranger. 
 Le premier endroit que je rencontrai en partant de Choumetri,  
 eft  le Bourg de  Carewokokszaisk  :  il dépend uniquement de l’Impératrice  
 ; les Habitants, qui ne dépendent que du Souverain, font  
 beaucoup plus heureux que  ceux qui ont des Seigneurs particuliers.  
 Ceux-ci ayant  la  liberté  des impofitions,  en abufent  prefque toujours  
 -, outre le droir du Seigneur ,  les Habitants  payent encore un  
 rouble  ( cinq livres  de  France )  à l’Impératrice.  La Maîtreffe de la  
 Pofte, âgée de quarante ans, avoit eu vingt enfants,  dont elle n’en  
 a çpnfervé que deux j l’un âgé de cinq ans, &  l’autre de quatrç : tous