fique, outre celles de fon état : les premières annonçoicnt à la vérité
moins un homme inftruit, que les plus grandes difpolitions à le
devenir. M. Dimidof étoit lui-même trop connoifleur pour que les
talents de fon Jardinier lui euifent échappé : auiïi lui avoit-il procuré
des Livres de Mathématique , de Phyfique, de Botanique, 8c des
inftruments de tout genre.
Le féjour que je fis à Solikamskaïa m’ayant permis de remplacer
le baromètre que j avois perdu en route à quelque diftance de Cazan,
j en fis deux , & j’en donnai un à ce Jardinier , qui n’en avoit pas :
il le reçut avec autant de joie que fi on lui avoit accordé la liberté,
Solikamskaïa eft une petite V ille fituée fur le bord de la riviere
Kama. Isbrants Ides, Amballàdeur Mofcovite , en donne une fi
grande idée dans fon Voyage de Mofcou à la Chine ( i) , que je me
propofai de la voir dans le plus grand détail. Je me levai lé 3 i de
très grand matin, pour prendre les bains avant de fortir ; on me les
avoit offerts la veille. A peine fus-je levé qu’on vint m’avertir qu’ils
étoient prêts, ainfî que le traîneau qui devoit m’y tranfporter. Ils
étoient fur le bord de la riviere. Je m’enveloppai dans ma touloup-
pe (1), je pris mon Domeftique avec m o i, & l’on me conduifit aux
bains : le froid étoit fi v i f , que je traverfai promptement une petite
antichambre, & fus ouvrir une porte que je jugeai celle des bains. Il
en fortit aulfi-tôt une bouffée de fumée fi étouffante, que je regagnai
la porte avec la plus grande promptitude : j’avois cru.que le
feu étoit dans la chambre aux bains. Voyant les Ruffes auifi interdits
de ma démarche, que je l’étois de cet événement & de leur fur-
prife , j’en demandai à mon Domeftique l’explication : C e font les
bains , me dit-il ; il faut vous deshabiller, & y entrer. Un Rufiè
ouvrit la porte de nouveau, & y entra en effet tout habillé. Je re-
(1) Recueil des Voyages au Nord, Tome V II I , page 9 , in-12 , édition d’Amsterdam.
(2) Efpece de robe de chambre fourrée.
e n ’ S i b é r i e . j t
connus que cette fumée n’étoit que la vapeur des bains, qui formoit
an brouillard des plus épais , & bientôt de la neige, à caufe de langueur
du froid. La vivacité de la chaleur que j’avois éprouvée ne
s’accordoit cependant pas encore avec mes idées fur ces bains, que je
croyois des bains de propreté. C e ne fut qu’après différentes autres
queftions que je fus qu’ils étoient faits pour fuer. Content de ma
fanté , je me déterminai à repartir à l’inftant : mon Domeftique
m’arrêta, & m’apprit qu’on avoit paffé une partie de la nuit à les
préparer, & que je ferais beaucoup de chagrin aux gens de la maifon
, fi je n’en faifois point ufage. Ces raifons 8c un peu de curiofité
me déterminèrent à les prendre : je fis ouvrir la porte, & effuyai
d’abord cette bouffée de chaleur. Je me déshabillai promptement,
8c me trouvai dans une petite chambre quarrée ; elle étoit fi échauffée
par un poêle, que dans Imitant je fus tout en fueur. O n voyoità
côté do ce poêle une efpece de lit de bois élevé d’environ quatre pieds :
on y montoit par des degrés ; la légéreté de la matière du feu eft
caufe que l’atmofphere eft exceffivement échauffée vers la partie
fupérieure de l’appartement, tandis qu’elle l’eft peu fur le plancher ;
de façon que par le moyen de ces efcaliers on fe prépare par degrés à
la chaleur quon doit éprouver fur le lit.' Ignorant routes ces précautions,
8c étant très prèffé de fortir de ces bains, je fus aulfi-tôt me
placer dans l’endroit le plus élevé.
Le plancher avoit contradé un fi grand degré de chaleur flans cet
endroit, que je ne pus fupporter la douleur que je reffentois à la
plante des pieds : je n’y reftai que par la précaution qu’on prit d’y
jetter de l’eau froide , qui s’évaporait prefqu’auifi-tôt. Je pris mon
thermomètre, qui dans quelques minutes monta à foixante degrés.
Cette chaleur excelfive me porta bien-tôt à la tête, & m’occafionna
un mal de c.oeur des plus çonfidérables. Mon Domeftique , qui fe
difoit fort au fait des bains, me confeilla de m’affeoir, m’affurant
que cet étourdiffement n’auroit pas de fuite ; mais ayant fuivi fon
Ü