étoit gai, inflruit, & des plus aimables, quoiqu’il fût retenu au lit
par une infirmité. M e fon époufe, âgée de j o ans environ-, con-
fervoit encore un relie de fon ancienne beauté. Sa phyfionomie Sc
fon maintien annonçoient la vertu & le refpeél que toute la V ille
avoit pour elle. Cette Dame aimoit les Etrangers , & cherchoir
toutes les occafions de leur être utile. Elle me fit dire p r mon Interprète
, en préfence de fon mari & de toute l’aflèmblée , qu’elle
vouloir me fervir de mere, & diriger mon ménage tout le temps
que je ferois à Ekatérinbourg. Je fus fi fenfible & fi pénétré de cette
honnêteté, que j’ai fu par la fuite que je n’avois rien répondu ; mais
ma fituation & mon filence furent pour elle la marque la plus certaine
de ma reconnoiffance. Son mari, priant un peu le François,
me tira de l’efpece de délire où j’étois : il me fit différentes queftions
fur l’objet de mon voyage. Sa femme ayant entendu une partie d e
notre entretien , qui rouloit fur les montagnes qu’on obferve dans
la Lune, fur Jupiter , &c. me fit demander p r fon mari , fi je ne
pourrois pas les lui faire voir avec mes lunettes. O n s’attend bien
qu’elle fut fatisfaite de ma réponfe. Je m’en allai prefque auffi-tôt,
totalement occupé du projet que j’avois formé à l’inilant.
Mon logement étoit fi p t i t & fi mal arrangé, qu’il n’étoit pas
poffible d’y recevoir prfonne : je me donnai tous les mouvements
poffibles pour m’en procurer un autre. J’avois une lettre de M. le
Baron de Strogonof, qui portoit des ordres pour que fes Gens d’affaires
me procurafTent tous les fecours dont j’aurois befoin. J’appris,
après quelques perquifitions , qu’un defês Gens d’affaires étoit dans
la Ville : je le fis prier de p ffer chez moi. Il y vint en effet, & reconnut
que la lettre n’étoit pas de fon Maître, mais d’un parent qui portoit
le même nom : il m’offiit cepndant fes fervices, m’affurant
qu’il feroit fa cour à fon Maître, s’il pouvoir être allez heureux pour
m’être de quelque utilité. Je dois publier a la louange de la famille
des Strogonofs, que par-tout où j’ai traverfé des Terres qui leur
appartenoient, j’ai trouvé dans leurs Intendants les procédés les
plus honnêtes. L ’amour pour les Etrangers eil héréditaire dans cette
illuftre famille. M. Strahlemberg, & tous ceux qui ont voyagé
après lui dans cette contrée, en ont éprouvé de même les plus
grandes bontés (i).
Je priai 1 Intendant de M. de Strogonof de me procurer les moyens
d’avoir un logement commode & plus étendu que le mien : j’en
eus un dès le lendemain , & je n’appris quaprès mon départ qu’il
m’avoit cédé le fien. Je m’y établis le même jour, & j’y difpofai un
petit Obfervatoire, Je m etois propoie de faire des obfervations
aftronomiques dans cette Ville , pour en déterminer la pofition.
Les Habitants de la Ville me firent Ihonnèur de me venir voir
en corps le jour fuivant ; ils m’offrirent une garde. Quoique
très fenfible à cette nouvelle marque de bonté, je les priai très
inilamment de ne point m’envoyer cette gardé : celle que j’ayois
avec moi me fuffifoit, & j’avois éprouvé que cet appareil de grandeur
eil fouvent fort incommode.
Je fus à peine établi dans mon nouveau logement, que jemè
difpofai à y recevok M e. Artibàfcher, & une partie de la Ville qué
je defirois mettre de la partie. Le jeune Comte de Woronzof, à qui
j ’ai toutes fortes d’obligations, m’avoit adreffé à fon Homme d’affaire
qui demeuroit à un quart de lieue d’Ekatérinbourg. Il étoit
on ne peut plus obligeant, très intelligent, & parloit d’ailleuts affez
•bien le François. Je le priai de me procurer, le fix du mois OU
nous étions, le meilleur fouper poffible pour quarante perfonnes 5
mais j’exigeai que fa femme fut feule dans la confidence. On fit
Venir des provifions de différents endroits ï tout fe difpofa hors de
chez moi ; & deux heures avant le fouper, perfonne n’en avoit
Je plus petitfoupçon.
W M .I» Barop de Strogpnpf, Sénateur, a ua çrè| t« a a Çabinet d'hiftoire naturelle;
S s ij