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 pûmes nous procurer qu’avec beaucoup de peine quelques bottes de  
 paille  pour  nous  coucher.  Quoique très fatigués, nous repofâmes  
 peu :  nous étions dans la plus  grande inquiétude  a caufe des retards  
 continuels que nous éprouvions. M. Favier étoit chargé de dépêches  
 importantes pour M. le Marquis de l’Hôpital, Ambaffadeur à Saint-  
 Pétersbourg  :  elles demandoient une fi grande diligence qu’il avoit  
 été obligé plufieurs fois de rendre  compte  à M. le Duc de Choifeul  
 de cette multitude  d’accidents qui retardoient notre  arrivée à Saint-  
 Pétersbourg.  Le Payfan que  nous avions envoyé chercher de nouveaux  
 chevaux revint à quatre heures du matin :  il nous apprit quon  
 n’avoit voulu nous en envoyer que jufqu a la moitié du chemin ; ils  
 nous étoient alors prefque inutiles  : nous  prîmes le  parti  de tentera:  
 tourner  la montagne,  &   attendîmes  en  conféquence  que  le  jour  
 commençât à proître. Nous nous  fîmes  accompagner par  tous les  
 Payfans que nous pûmes ramaflcr dans le Hameau,  8c  avec  leux le—  
 cours  nous  fortîmes  enfin  le  i   au  marin  de  cet  endroit,  ou  nous  
 étions  arrivés  le  1“   à  trois  heures  après  midi. Nous  arrivâmes «  
 Kamftiski à onze  heures du matin,  8c  le  même jour à Kowno fur  
 les quatre heures du foir. 
 Le 3 Février  le  thermomètre de M.  de Réaumur monta tout-a~  
 coup à o ;  ce qui nous fit craindre le dégel : mais il defcendit le foir  
 avec la même  promptitude  ,  le vent  ayant  tourné  au nord  :  nous  
 voyageâmes toute  cette journée dans  une plaine. Le 4 au matin  le  
 froid  diminua un peu;  le thermomètre  n etoit qu’à  cinq  degrés au  
 deifous de o  :  le vent étoit confidérable,  il élevoit des tourbillons de  
 neige qui nous  incommodoient beaucoup : un  Poftillon  ne  put y  
 réfifter ; il nous abandonna au milieu des bois, & fe fauva , fans qu’il  
 nous  fût  poifible  de  le  joindre  :  nous fumes  obligés d’en envoyer  
 chercher  un  autre  au  plus  prochain  Village.  Nous  arrivâmes  à  
 Kraski  à  onze heures du foir, & le y  à Mittau fur les dix heures du  
 matin.  Nous avions beaucoup fouffert cette nuit du froid;  le ther- 
 E  N  S i l   B  é  R  I  E.  
 momètre  étoit  defcendu  à  onze  degres  au  dellous  de  o. 
 Mittau eft  la Capitale de la Courlande , & la réfidence du Duc.  
 Cette Ville eft belle ,  mais en général alfez mal bâtie : on  rencontre  
 en fortant, le Palais que le Duc de Biren avoit fait bâtir pendant qu’il  
 étoit le favori de la, Czarine Anne. C e  Palais ferait de toute beauté,  
 s’il étoit fini. 
 Les chemins avoient  été  très beaux  depuis Kowno: Nous pallà-  
 mes à Olin le même jour,  après avoir traverfe a un mille de cet en«  
 droit les limites de la Livonie 8c de la Ruifie. Tolft le Pays etoit couvert  
 de neige, 8c l’on commençoit  à faire ufage des traîneaux. Nous  
 arrivâmes à Riga à dix heures du foir, & defcendrmes a une Auberge  
 nommée  Krieq  :  on  avoit  déjà  foupe  ;  la  compagnie  etoit  très  
 nombreufe  : elle  étoit aifife autour de la table ,  dont  on avoit tout  
 enlevé  ,  excepté  les  bouteilles  8c  les  verres.  Tous  les  convives  
 avoient  une  pipe  de  près  de  trois  pieds  de  long ;  ils  fumoient  
 &  buvoient  tour à tour  :  les  uns étoient  appuyés fur  la table, les  
 autres étoient étendus  nonchalamment  dans  leur fauteuil,  la vefte  
 déboutonnée ;  on n’entendoit que le bruit qu occafionnoit le choc  
 des verres,  des  bouteilles,  8c le mouvement  des  levres de  ceux qui  
 fumoient.  Il  s’élevoit  déroutes parts  des tourbillons de fumée  qui  
 affeétoient auifi défagréablement la vue que l’odorat- La fumée étoit  
 fi confidérable qu’on diftinguoit à peine les perfonnes  à l’autre bout  
 de  l’appartement.  Des Servantes  fort  jolies,  très  bien  faites ,  &   
 proprement habillées, paroiffoient de  temps.en temps,  8c  faifoient  
 connoître qu’elles ne fe piquoient pas d’être veftaks. 
 Nous fîmes un affez mauvais  foupé  : nous  avions moins  befoin  
 démanger que de prendre un peu de repos. Nous fumes voir le lendemain  
 la Ville, pendant  qu’on  nous  conftruifoit  des  traîneaux,  
 fur lefquels nous fîmes placer nos voitures, 
 Riga eft une grande Ville très commerçante : elle eftfituée fur 1»