Cette conduite à rendu les Ruffes cruels & barbares : ce font dés
animaux que leurs maîtres croient devoir écrafer avec un fceptre de
fer, pendant qu’ils font fous le joug (i).
La NobleiTe Ruffe ayant perpétuellement fous les yeux des E£-
claves cruels & méchants, a contracté une dureté qui n eft point
dans fon caraéfere.: rampante vis-à-vis du Defpote, de fes Supérieurs
, & de tous ceux dont elle croit avoir befoin, elle traite avec
la plus grande dureté ceux fur lefquels elle peut avoir des droits, ou
qui n’ont pas la force de lui rélîfter.
Le Peuple en Ruflie n’ayant rien à démêler avec le Souverain, il
paroîtroit qu’on devroit du-moins trouver le plaifir dans cette claffe
de la Nation. Par-tout ailleurs les Payfans s’affemblent lès jours de
Fêtes : les peres réunis au Cabaret, fouvent à l’ombre d’un tilleul,
fe délaffent de leurs travaux, en buvant quelques bouteilles de vin ;
ils s’entretiennent des moyens d’accroître leurs revenus, quelquefois
de politique, pendant qu’un mauvais Joueur de Violon affis
fur un tonneau , procure à leurs enfants les plaifirs les plus vifs.
Ces plaifirs font inconnus en Ruffie : le Peuple danfe quelquefois
, principalement certains jours de Carnaval ; mais il eft dans- ce
temps livré à la débauche & à l’ivrognerie : on n’ofe pas même
fè mettre en route , de crainte d’être infultépar cette populace. Les
Payfàns en Ruffie font communément dans leurs poêles les jours de
Fêtes, ou ils reftent debout devant la porte, fans faire aucun exercice
rl’orfiveté eft pour eux le plus grand plaifir, après ceux de l’eau-
de-vie & des femmes. Si un Payfan Ruffe poflede quelque argent,
il va feul au Cabat ( Cabaret ) ; il le dépenfe , &s’enivre dans quelques
minutes : il ne craint plus qu'on lui enleve fa fortune.
(i) La corruption du Peuple Rafle dans 1 état actuel, exige quron fc tienne dans une
Aire fervitude pendant qjr’il eft Efelàve : maisThomme quiréftéchit conçoit aifémenr qu’on
pourroit, en prenant des précautions, le ramener à la liberté, fana avoir à. craindre les ¿Br
convénients qui fe préfeutent d’ahord. Efclave.» il fera toujours corrompu.
Les jeunes Payfannes s’amufent quelquefois dans les beaux jours
à fauter par le moyen d’une planche pofée en équilibre fur une poutre
couchée par terre : elles fe placent debout fur l’extrémité de la planché,
& s’élèvent tour à tour à cinq à fix pieds de hauteur, avec la
plus grande adrefTe. On ne voit jamais d’hommes à ces exercices,
& en général ils font rarement avec les femmes hors de leurs chaumières.